Rappelez-vous le "vote caché" et les "vrais sondages" qui devaient assurer à François Fillon, en dépit du Penelopegate, une première ou seconde place assurée au premier tour des présidentielles. Sauf à hurler au complot et au bourrage des urnes, les résultats sont conformes aux sondages. Ils montrent surtout à quel point François Fillon et sa garde rapprochée, Bruno Retailleau et consorts, ont sous-estimé l'impact du Penelopegate.

Retailleau ne peut se conforter que des résultats de la Sarthe où le candidat LR surpasse le score de l'ex-candidat UMP Nicolas Sarkozy. Le sénateur de la Vendée ne risque rien, car dans ce département, vu le score de Fillon (25,50 ; tout juste derrière Macron) et le mode de désignation du Sénat, il pourra jouir d'une pré-retraite confortable. En revanche, sa présidence des Pays-de-Loire risque de lui échapper à terme.

Élu des beaux quartiers

François Fillon n'a résisté à l'impact du Penelopegate que dans les beaux quartiers de la capitale et des grandes villes (sauf Bordeaux) ou dans les localités huppées transformées en ghettos de population cossue.

Mais son verdict le plus cuisant lui vient, comme prévu, des Haut et Bas-Rhin. Des départements où la rectitude protestante marque la vie publique. Commentant les résultats du Bas-Rhin, Le Figaro se révèle pudique : Marine Le Pen "n'obtient que 12,17% des voix à Strasbourg (contre 27,76% à Macron et 24,36% à Mélenchon)". Et Fillon ? À peine moins que sa moyenne nationale, avec 19,84%. En revanche, dans le Bas-Rhin, le score UMP-LR fléchit de 11,62% (par rapport au résultat de Nicolas Sarkozy), un record hexagonal qui n'est battu qu'à Mayotte et en Guyane. Marine Le Pen ne progresse en Alsace que de moins de quatre points (3,73 dans le Haut-Rhin, qui a donné sept points à Nicolas Dupont-Aignan – moins pour sa défiance envers l'Europe que contre Fillon –, et 3,48 dans le Bas-Rhin).

Cette chute alsacienne ne s'explique pas par la progression de Mélenchon qui a surtout profité du vote de gauche "utile" (au détriment de Benoît Hamon). Charitablement, nous n'irons pas rechercher les sondages donnant un François Fillon d'avant le Penelopegate largement en tête en Alsace. En fait, François Fillon ne doit sa troisième place nationale, talonné par Jean-Luc Mélenchon, qu'aux seuls sarkozystes qui, avec de formidables réticences mentales, ont suivi la consigne dictée par leur champion, "faire avec". Presque partout, Alsace exceptée, en particulier dans le Grand-Est de Gérard Longuet, ex-militant d'extrême-droite, soutien sans faille de François Fillon, le candidat LR maintenu envers et contre tout Penelopegate, a surtout réussi à faire progresser le Front national.

Après tout, sur la Syrie et la Russie, ou l'immigration quelles différences ? Autant opter pour l'original. L'égotisme et la volonté pro domo et non pour la France d'espérer échapper aux conséquences de sa mise en examen ont fait chuter le candidat. Va-t-il entraîner dans sa dégringolade les élus LR l'ayant le plus fermement maintenu en place s'ils briguent un mandat législatif ? Tout dépendra de la composition des circonscriptions. Dans celle, parisienne du candidat, promise à Nathalie Kosciusko-Morizet, il serait sans doute mieux réélu qu'elle le sera sans doute : NKM fait figure de "gauchiste" pour Sens commun et son reniement du "ni-ni" en appelant à voter Macron crispe la composante dure de cette droite ex-républicaine ayant approuvé le coup de force d'un justiciable prenant sa famille politique en otage.

Macron est en tête à Longjumeau que NKM quitte pour la deuxième circonscription parisienne où Fillon a obtenu 52,70% (second meilleur score parisien après le XVIe ar., avec 58,45%). Les candidats aux législatives s'étant le plus mouillé pour Fillon se maintiendront sans doute dans les circonscriptions "imperdables". Ailleurs, un UDI dissident investi par En Marche !, voire un notable divers droite peut leur ravir leur siège. Monsieur Fillon avait promis, mais le coup a manqué, grâce à la probité d'une partie de l'électorat de droite resté républicain. Un Éric Ciotti a eu beau tenter de tirer profit de l'attentat des Champs-Élysées pour faire de Fillon un candidat plus résolu que la candidate Front national, et appeler à présent à l'abstention si ce n'est à voter pour Marine Le Pen, son champion n'est que second dans les Alpes-Maritimes.

Le candidat du Penelopegate, et ses séides vont-t-ils continuer de rouler pour le Front national ? Ou céder devant des candidats présentables ? Sept millions d'électeurs LR s'interrogent. Nadine Morano se rétracte, comme Rachida Dati qui évoque à présent une "défaite morale" exaucée car prévisible et souhaitée par elles-mêmes en dépit des assurances contraires. Yves Jego, UDI, résume : "Terrible naufrage d'une droite plus soucieuse de Sens commun que de bon sens". Surtout plus soucieuse de prébendes et de passe-droits que de tout autre chose. Pour François Fillon, il reste à se démentir : s'il était élu président, il aurait rendu l'argent. Battu, faudra-t-il attendre qu'on le lui fasse rendre ?