Certes, si ce n'est l'ultra-droite elle-même, ses penseurs, ses têtes d'affiche, une (très faible) partie de l'électorat de Marine Le Pen et de celles et ceux qui n'ont pu se présenter et se situent encore plus à droite que le Front national, a subi l'attraction du tribun Jean-Luc Mélenchon. Du moins si l'on en croit certains entretiens "ouverts" des instituts de sondage et le fait que la remontée du candidat de La France insoumise ne provient pas que d'une désaffection de la candidature de Benoît Hamon. D'où cette première de couverture de l'hebdomadaire Minute (pro-Front national mariniste par défaut) consacrée à Jean-Luc Mélenchon, avec ce titre : "Le tribun Le Pen a trouvé son héritier, il s'appelle Mélenchon" (et ce sous-titre : "Nos cartons rouges au programme de Marine Le Pen").

Mais qu'on ne s'y trompe pas. Toute l'ultra-droite "pensante" souhaite un second tour Le Pen-Fillon. Absolument pas dans l'espoir de voir Marine Le Pen élue présidente, mais en fonction de la suite. Minute a pris nettement position : le Penelopegate est un accident de parcours, mais Fillon peut sortir Emmanuel Macron, et c'est l'essentiel. En parfait hypocrite, Bruno Mégret (ex-Front national), et son groupuscule, le MNR, ont appelé à voter François Fillon dès le premier tour, assurant que Marine Le Pen emporterait ainsi le second. En fait, Marine Le Pen dirigeant le Front national comme son père, soit éliminant toute dissension, toute concurrence, le souhait sous-jacent est qu'elle ne l'emporte pas, mais que le score du FN aux législatives impose à François Fillon de composer avec divers groupes, fractions, personnalités de l'ultra-droite.

Avec Sens commun, ne présente-t-il pas des garanties d'ouverture, de conciliation ?

Mélenchon, l'instrument utile

L'ultra-droite n'est pas du tout "ras du front", stupide. Elle a apprécié à sa juste valeur les méthodes de Jean-Luc Mélenchon qui a fait clouer au pilori le dessinateur Joann Sfar, soutien initial de la France insoumise, pilonné depuis pour avoir exprimé des nuances, et voit en "Méluche" un Marcel Déat faisant monter la colère qu'elle s'imagine récupérer.

Mais pour le moment, en attendant de planter un couteau dans le dos Fillon, il s'agit de se le concilier en prévision de la suite. Déjà, élu, il pourrait marginaliser Marine Le Pen et puiser dans le réservoir de l'ultra-droite (ne l'a-t-il pas montré en se ralliant d'abord des anciens du GUD, des identitaires, à la notable exception d'Alain Madelin, fondateur du mouvement Occident).

Vénal, dénué de tout scrupule, et finalement malléable, tel le voient ceux qui, sous couvert de redressement national, attendent des fromages. Gangrener facilement ce qu'il restera de Les Républicains, racoler les déçus de Mélenchon (qui leur semblent très perméables à leurs thèses et surtout méthodes), leur fait miroiter une réelle influence se traduisant par des postes et des prébendes. Enfin ! Après avoir dénoncé le "système", enfin en profiter, et finir gavés. Comme Gérard Longuet et tant d'autres, ou un Bruno Retailleau, transfuge du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers. Pour cela, il faut racoler beaucoup de "blaireaux", tant "de droite" que "de gauche", et canaliser leur "indignation" qui s'apaisera si on sait en rétribuer quelques-uns, plus influents, plus habiles et plus éclairés quant à leurs intérêts que d'autres.

François Fillon, avec Sens commun, semble partant. Mélenchon se rebiffera et devra constater que les moyens employés aboutissent à d'autres fins que celles souhaitées. Mais rien n'est joué d'avance. Les premier et second tour ne sont que des étapes. Les racolages subséquents lors des législatives seront beaucoup plus décisifs.