La mémoire commune de la France et de la Côte d'Ivoire seraient-elle frappée d'amnésie ? C'est la question que suscite l'abandon de deux monuments historiques en Côte d'Ivoire. Certainement, plusieurs seront les personnes qui crieront leur révolte après la lecture de cet article. En tout cas, cette révolte est légitime. De même, des questions toutes aussi légitimes seront sur toutes les lèvres après cette publication et chacun dira : « mais pourquoi ? Comment expliquer l'attitude et le silence de la France et de la Côte d'Ivoire sur des monuments historiques aussi importants ; dans une ville elle aussi ancienne et historique, une ville qui n'est pas des moindres, en basse Côte Atlantique ?

» Voici le récit sur le Fort Louis Faidherbe et le Pont Eiffel. Amoureux et défenseurs de sites historiques, tenez vos entrailles !

Le Fort Louis Faidherbe ou l'oubli d'un héros condamné à mort à défaut

L'histoire du Fort Louis Faidherbe est celle d'une noblesse déclassée ou même celle d'un héros donné battu à un combat auquel il n'a pas participé, un héros auquel on n'a jamais remis les galons qui lui revenaient de plein droit, un héros condamné à demeurer dans l'anonymat. Ainsi, est en train de mourir en Côte d'ivoire, une forteresse qui a fait la grandeur de la France, sans avoir été érigée au titre de Patrimoine Mondial de l'Humanité. Et pourtant, aujourd'hui, sur toute l'étendue du territoire national ivoirien, le Port Louis Faidherbe est la plus ancienne trace de la présence française dans le pays.

Tous les autres monuments attestant de la même histoire sont récents. Disons que le Fort de DABOU a été construit en 1853, par le Gouverneur Français Louis Faidherbe, père de la ville de Saint Louis au Sénégal. Quand on connaît l'histoire de la France, forcément, la date de 1853 fait frémir.

Premièrement, 1853, c'est cinq (5) ans après le premier vote au suffrage universel en France en 1848.

Deuxièmement, 1853, c'est toujours cinq (5) ans après la proclamation de Seconde République en 1848, la Première République ayant été proclamée en 1792. Troisièmement, 1853, c'est cinq (5) ans après l'abolition de l'esclavage en France en 1848. Quatrièmement, 1853, c'est un an après la proclamation du Second Empire sous le règne de Charles Louis Napoléon Bonaparte, dit Louis-Napoléon Bonaparte puis Napoléon III.

Cinquièmement, 1853, c'est 17 ans avant la grande bataille de Sedan en 1870. Enfin, 1853, c'est 32 ans avant la Conférence de Berlin en 1884-1885 Que faut-il ajouter encore ?

Bref, le Fort Louis Faidherbe de Dabou, c'est un condensé de l'Histoire de la France, de l'Europe, de la Côte d'Ivoire, de l'Afrique et donc du monde de la deuxième moitié du 19ème siècle. Encore plus intéressant, des témoignages anciens dans la région de Dabou, il ressort que durant la bataille de Sedan, depuis le Fort Louis Faidherbe de Dabou, l'Armée Française a coulé un bateau de guerre allemand sur l'Océan Atlantique. Grâce à cette victoire de la France sur l'Allemagne sur les eaux de l'Afrique Occidentale Française, pour les habitants de la contrée, c'est-à-dire le peuple Ôdjoukrou, le seul vainqueur de la bataille de Sedan reste et demeure la France.

Ainsi, même si en Europe, on est certain de la victoire de l'Allemagne avec la chute du Second Empire à cette époque, pour les contemporains de la guerre de Sedan à Dabou, c'est la France qui a vaincu l'Allemagne. La preuve est que la France a coulé un bateau allemand sur le Golfe de Guinée depuis le Fort Louis Faidherbe de Dabou. Cette victoire de la France sur l'Allemagne lors de la bataille de Sedan, le Peuple Ôdjoukrou (habitants de la région de Dabou) l'a vue de visu, et donc, il y croit. Quant à une éventuelle victoire de l'Allemagne sur la France à la bataille de Sedan, seuls y croient, les Européens. Pas les Ôdjoukrou !

Que devient le Fort Louis Faidherbe de Dabou ? Rien du tout. Jamais admis au patrimoine mondial de l'UNESCO, jamais entretenu, le site est en délabrement.

Si rien n'est fait dans l'urgence pour sauver le site, d'ici cinq (5) ans maximum, la forteresse qui a fait la grandeur de la France au 19ème siècle disparaîtra. Pour de bon ! Le Pont Eiffel aussi.

Le Pont Eiffel de Dabou, l'autre vestige historique menacé de ruine et de disparition

A Dabou, toujours, se trouve un grand morceau de la Tour Eiffel de Paris, disons bien de la Tour Eiffel de Paris car pékin aurait sa propre « Tour Eiffel ». Qu'est-ce que le Pont Eiffel ?

Tout d'abord, Dabou est une ville située à 45 km d'Abidjan. Quant au Pont Eiffel, c'est tout simplement le pont qui relie la ville côtière de Dabou à la capitale économique Abidjan. Ce pont qui est construit entre 1921 et 1932 est bel et bien l’œuvre de Gustave Eiffel, le même qui a construit la Tour Eiffel à Paris.

En effet, non seulement l’ouvrage est authentifié comme œuvre de Gustave Eiffel parce qu'il est de la même architecture que celle de la Tour Eiffel à Paris, mais encore, sous le Pont Eiffel, on peut lire la signature du maître d'ouvrage qui n'est autre que Gustave Eiffel lui-même, qui y indique ses noms et prénoms, ainsi que la date de naissance de l'ouvrage. En principe, la visite de la Tour Eiffel ne devrait s'achever qu'avec celle du Pont Eiffel à Dabou. C'est un monument qui mérite d'être porté à la connaissance du monde entier par son érection au patrimoine mondial de l'humanité. Et pourtant, le Pont Eiffel de Dabou est relégué aux oubliettes ! Par ailleurs, le Pont Eiffel devrait être mis hors d'usage à la manière du Pont du Gard (l'Aqueduc romain), pour le préserver d'une ruine.

Un nouveau pont devrait être édifié pour relier Dabou à Abidjan. Pourtant, en l'espèce, l’œuvre de Gustave Eiffel en Côte d'Ivoire est bradée à une destruction imminente. Le Fort Louis Faidherbe de Dabou, le Pont Eiffel de Dabou, deux sites archéologiques et touristiques abandonnés à une mort certaine.

La France et la Côte d'ivoire se bougeront-elles enfin ? C'est tout le but de cet article.