On a pris l'habitude de dénigrer le Grand Triangle Europe-Afrique-Amérique et cela se justifie pleinement à cause des activités que cet espace géo-stratégique, économique et politique a abritées : la traite des humains, l'esclavage, les trafics illicites de tous genres. Les manquements aux droits de l'homme étaient graves et répréhensibles, les atteintes à la dignité humaines, nombreuses et inadmissibles. Vu sous cet angle, il est évident que le Grand Triangle n'est pas enviable. Alors là, pas du tout !

Cependant, avec une prise de distance, pour découvrir qu'en fait d'espace géo-économique « sauvage », le Grand Triangle a véritablement incarné un modèle idéal de mondialisation, tout en étant un mauvais exemple d'Intégration.

Un Modèle idéal de mondialisation

Au sein du Triangle de l'esclavage, les peuples des trois continents ont vécu une mondialisation exemplaire en ceci que les frontières étaient entièrement ouvertes, et la libre-circulation était garantie. Il n'y avait pas d'exigence de visas pour aller d'un continent à autre. Cela est en nette opposition avec la mondialisation sous sa forme actuelle où, seules les marchandises peuvent librement circuler, là où, les humains sont soumis à des exigences de visas excessives et restrictives. Au sein du Grand Triangle, les citoyens venant d'un pays tiers n'étaient pas soumis à des contrôles policiers et à des vérifications d'identité comme c'est le cas aujourd'hui, dans cette mondialisation du 21ème siècle.

C'est d'ailleurs, ce manque de vérification d'identité à l'époque, qui est à l'origine, de nos jours, des difficultés éprouvées par les Africains résidents et les descendants des déportés à pouvoir établir des liens de parentés pour se retrouver.

Par ailleurs, au sein du Grand Triangle, la nationalité, la citoyenneté, l'immigration et l'extranéité ne constituaient pas des moyens d'exclusions de l'autre, ni même des variables d'ajustement pour les femmes et hommes politiques de l'époque, comme c'est le cas aujourd'hui, dans tous les pays du monde.

En outre, au sein du Grand Triangle, pour ce qui concernait les Africains constituant la main d’œuvre servile, généralement, ils n'étaient pas volontaires pour partir en Amérique et en Europe. Ainsi, dans la majorité des cas, ils refusaient de quitter l'Afrique. Ce sont les négriers qui les contraignaient à effectuer ce voyage, et la preuve en est qu'ils étaient enchaînés.

Or, aujourd'hui, au 21èmè siècle, siècle dit de la mondialisation, ce sont les Africains eux-mêmes qui sont volontaires pour quitter leur continent ; mais curieusement, on leur refuse le visa d'entrée dans les pays américains et européens. Finalement, ils ont recours à l'immigration clandestine. L'autre sujet d'étonnement, la durée de séjour à l'époque du Grand Triangle. Il s'agissait de séjour illimités. D'où, l'on a parlé de voyage sans retour pour les déportés africains. Aujourd'hui, en pleine mondialisation, l'on parle de visa court séjour. Et, quand bien même le bénéficiaire du visa de court séjour ne manifeste pas le souhait de retourner dans son pays natal, il y est contraint par la puissance publique, après une procédure de reconduite à la frontière suivant un arrêté préfectoral.

Ce type de pratiques était totalement absentes au sein du Grand Triangle. Après ces analyses, on découvre bien que malgré un discrédit permanent jeté sur le Grand Triangle en raison de ses activités illicites, cet espace géo-stratégique, économique et politique a incarné un modèle de mondialisation exceptionnel, à recommander de nos jours, avec une prudence particulière devant conduire à l'évitement de ses échecs en matière d'intégration.

Le Grand Triangle, un mauvais exemple en matière d'intégration

Nous plaidons pour la résurrection du Grand Triangle à cause du modèle exemplaire de mondialisation qu'il a représenté. Mais, nous ne recommanderons jamais le mauvais modèle d'intégration sociale que cet espace historique a représenté.

En effet, c'est au sein du Grand Triangle que sont nés des maux comme l'apartheid et la ségrégation raciale. De mémoire d'homme, jamais espace géo-politique et économique n'avait autant promu le racisme. Ainsi, au 19ème siècle, c'est au sein du continent européen (l'angle le plus important, le plus déterminant, l'angle essentiel du Grand Triangle) que sont nées les grandes doctrines raciales dont la mise en pratique a été gravement dommageable aux Subsahariens, aux Arabes et aux Juifs. Ces doctrines raciales ont constitué un obstacle majeur à la mixité sociale au sein du Grand Triangle et on ne peut pas occulter ce côté obscur du Grand Triangle. Au moment où nous militons ardemment pour la renaissance de cet espace historique, il convient de rappeler sans faux fuyants ces raisons qui motivent le rejet massif d'un espace qui pourtant, a inauguré la mondialisation sous sa forme actuelle.

Oui, au réveil du Grand Triangle Europe-Afrique-Amérique avec sa mondialisation exemplaire !

Non, à un réveil du Grand Triangle Europe-Afrique-Amérique avec son mauvais modèle d'intégration sociale !