Traînant une réputation sulfureuse depuis des années, la Boxe anglaise est désormais LE sport à pratiquer pour être cool et chic. En quelques années, des clubs de boxe ont fleuri dans tout Paris et les salles d'entrainement sont bondées. D'où vient-elle ? Quelles sont ses règles ? Quel rôle la boxe a-t-elle joué dans notre société ? Qui sont les nouveaux adeptes ? Histoire et analyse.
A l'origine : le pugilat
La boxe anglaise, autrement appelée le Noble Art, existe depuis l'Antiquité. Considérée comme un sport à part entière dès 688 avant J-C, elle est pratiquée sous le nom de "pugilat".
C'est un combat à mains nues et les deux combattants se donnaient des coups jusqu'à ce que l'un d'entre eux ne puisse plus se relever. Le pugilat connaîtra son apogée à Rome puis disparut en 394 après JC, lors de l'abolition des jeux olympiques.
Il faudra attendre le 18ème siècle pour que la boxe réapparaisse notamment en Angleterre. Les matchs, souvent clandestins, sont organisés par des parieurs. Ce sont les "bareknuckles" et ils suivent les même règles que le pugilat.
C'est en 1865 que la boxe fut enfin codifiée. Le Marquis de Queensberry rendit obligatoire les gants de protection, délimita l'espace de combat (ring), les temps de combats (rounds), les catègories de poids et les façons de gagner (TKO, KO).
Surtout, ces règles interdisent les combats "au finish" qui permettaient toujours de frapper son adversaire au sol. C'est la naissance de la boxe anglaise actuelle.
Reconnaissance sociale et émancipation
La boxe est un sport considéré comme dangereux voir mortel. Elle est quasiment illégale au 18ème siècle pour la violence qu'elle suscite.
Elle est surtout pratiquée dans les milieux défavorisés. La boxe a permis à certaines familles de générer un revenu conséquent : elle améliore non seulement leurs propres conditions de vie mais aussi celle de toute leur communauté. Ainsi, John Sullivan, fils d'immigrés Irlandais fut le premier champion millionnaire aux Etats-Unis en 1882.
Au début du 20ème siècle, la boxe se transforme en moyen d'expression. Pour la population noire, elle permet d'affirmer une volonté de se libérer de l'oppression et des discriminations. Pour les blancs, elle exprime un sentiment d'exaltation et de fierté nationale. En 1908, Jack Johnson est le premier champion poids-lourd noir après avoir battu un blanc. Les boxeurs noirs pouvaient combattre des boxeurs blancs sauf dans la catégorie reine des poids-lourds. Johnson brisa ce tabou.
Puis viendra l'émergence des légendes de la boxe, Mohammed Ali, Mike Tyson, Julio Chavez, Sugar Ray Leonard ... tous sont fils d'immigrés ou descendants d'esclaves. Leur notoriété dépasse les frontières de leur propre pays.
Leurs gains sont astronomiques. Ce sport populaire devient celui de l'argent roi. Il fait miroiter à de jeunes garçons les possibilités d'une vie meilleure. Pour certains, l'argent généré sera synonyme d'ascenseur social. Pour d'autres, ce sera la descente aux enfers, les crimes et la prison.
Certains champions de boxe sont aujourd'hui des symboles ultimes de richesse, de pouvoir politique et de réussite : Floyd "Money" Mayweather est retraité et milliardaire à 40 ans, Manny Pacquiao est député aux Philippines et exerce son deuxième mandat.
Etre un boxeur en 2018 : tout dans la pause rien dans les gants
La boxe anglaise a toujours été l'ambassadrice des bad boys car elle véhicule l'imagerie d'un sport brutal et violent.
Elle est le sport populaire par excellence. Comme une tradition ancestrale, les jeunes issus des classes populaires et des banlieues s'identifient aux boxeurs et s'inscrivent dans des clubs. Dans ces banlieues où l'on s'entraiîne à la dure en rêvant de devenir un champion, l'adhésion est parfois gratuite si tant est qu'on ait peu de moyens à la maison. Les enfants sont encadrés par des coachs qui ont souvent un rôle de père/nounou/garde-fou. La boxe, c'est dur. Il faut s'entraîner pendant des années : être rigoureux, courageux, n'est pas Rocky Balboa qui veut.
Alors comment expliquer ce soudain engouement pour ce sport de "pauvres" par de riches adultes bourgeois : Edouard Philippe, premier ministre français, fait de la boxe.
Matthieu Kassovitz fait des combats et veut devenir professionnel comme Thomas des Anges 9 de la Téléréalité. Olivier Rousteing, directeur artistique de chez Balmain prend son regard le plus noir pour dire : "Je fais de la boxe"... Pourquoi les D.A de chez Chanel affublent-ils des mannequins rachitiques de gants de boxe dans leurs campagnes publicitaires ?
Nul doute que ca n'est pas l'argent qui les pousse dans cette voie car ils en ont déjà : les nouveaux boxeurs amateurs sont accomplis professionnellement. La boxe est l'avènement des symboles de la street crédibilité : après les tatouages, les motos vintages, la barbe, la fréquentation des faux speakeasy, le cadre sup (parisien) tente de s'acheter une vie de dur à cuire qui ferait oublier qu'il est né dans une famille de notables de provinces et n'a jamais manqué de rien.
Il aurait finalement besoin de se bagarrer, d'être cogné pour exister et peut payer plus de 1000 euros par an pour y arriver.
Car hélas aujourd'hui, on ne vit plus que par l'image. Etre un homme finalement, c'est transpirer sur Instagram. Pour être cool et chic désormais, il faut arborer tous les codes des anciens voyous: après les métrosexuels, le grand retour de la virilité? Tant mieux pour les caisses de la FFB, la boxe anglaise est devenue le nouveau vecteur de la hype.