« Notre génération doit connaître autre chose que l’exil, la douleur et les larmes », martèle Ameneh qui est venue de Suède pour prendre part au défilé bleu horizon de l’opposition iranienne à Paris, une manifestation pour un Iran libre. « 50 ans de chah, 40 ans de mollahs, ça suffit ! Il est grand temps d’écouter ce qu’ont à dire les Iraniens : nous voulons vivre libres. »

Sous son poncho, son bonnet et son écharpe bleu horizon, « couleur espoir » précise-t-elle, cette jeune femme sait de quoi elle parle. Elle a perdu son père, enseignant, dans le terrible massacre de prisonniers politiques de 1988 en Iran.

Elle s’est exilée il y a peu avec son frère et sa mère en Scandinavie, pour ne pas connaître le même sort.

Araignée géante au visage de Khomeiny

Elle est au premier rang du rassemblement formé sur la place Denfert-Rochereau à Paris. Devant elle la scène où se succèdent des personnalités. Un peu plus loin, sur le côté une araignée géante au visage de Khomeiny, le guide suprême des mollahs et un camion rempli de potences, l’Iran étant le champion toute catégorie des exécutions dans le monde. Derrière elle, la statue d’un lion, si symbolique pour les Iraniens qu’il figure en bonne place sur le drapeau de la résistance : le lion gardien de la terre antique d’Iran inondée de lumière par le soleil et bordée de rouge et de vert.

Exit le « crabe » des mollahs.

Avant le départ du long défilé bleu qui va colorer les rues de Paris jusqu’à l’esplanade des Invalides, les représentants de centaines d’associations d’Iraniens d’Europe, des USA et du Canada écoutent et applaudissent des élus français comme le maire de Paris 1, Jean-François Legaret, ou la députée Michèle de Vaucouleurs qui préside le Comité Parlementaire pour un Iran démocratique.

Ils ovationnent des personnalités étrangères comme l’ancien Premier ministre algérien Sid Ahmed Ghozali, l’opposant syrien Georges Sabra, ou l’ancien vice-président espagnol du Parlement européen, Alejo Vidal-Quadras. Des syndicats enseignants, comme le SNESUP-FSU ou la Ligue de l’enseignement ont apporté leur solidarité.

Voleurs d’espoir

« Nous sommes là pour dire à Paris et au monde que les Iraniens ont organisé 10.000 manifestations en Iran depuis un an contre ce régime. Pour dire qu’il est temps de se mettre du bon côté de l’histoire, c’est-à-dire d’un peuple qui n’en peut plus de la répression, de la corruption, de la ségrégation des femmes, de la violence et de la misère », explique Fereydoun qui a vécu il y a 40 ans les manifestations qui ont chassé le chah d’Iran.

« Nous n’avons pas renversé la monarchie pour mettre une autre dictature au pouvoir. Nous voulions la liberté et la démocratie. Les mollahs ont volé nos espoirs, notre cause de liberté et d’indépendance, ils ont fait s’abattre les ténèbres de l’obscurantisme sur l’Iran », explique ce réfugié qui a son cabinet d’architecture en Allemagne.

« Je suis d’accord avec Maryam Radjavi, la dirigeante de l’opposition iranienne, quand elle interpelle les tenants occidentaux de la complaisance avec les mollahs, quand elle leur dit ‘est-ce que les Iraniens n’ont pas assez souffert ?’ et quand elle leur demande ‘qu’est-ce qu’il vous faut de plus en matière de terrorisme au cœur de l’Europe pour sanctionner ce régime parrain du terrorisme international ? », renchérit Soraya qui arrive de Suisse où elle est avocate.

Beaucoup de jeunes et de femmes dans cette manifestation. Peyman qui vient de Hollande, où il termine un master de sciences politiques pointe du doigt les idées reçues : « ça suffit de croire que l’Iran ne peut connaitre que des régimes autoritaires. L’Iran dans son histoire a connu la liberté et la démocratie, lors de la brève Révolution constitutionnelle ou sous le Grand Mossadegh. Nous les jeunes nous allons construire un Iran libre.» Bita, à ses côtés, bonnet bleu enfoncé jusqu’aux yeux qu’elle a de la même couleur, martèle : « nous avons la chance d’avoir une alternative démocratique, le CNRI, et surtout la chance qu’elle soit dirigée par une femme, Maryam Radjavi. Les femmes en Iran ne se sont jamais soumises et ont toujours été à la pointe de la résistance aux mollahs. Ce sont elles et les jeunes qui vont faire tomber ce régime extrémiste et cruel. » Bita a grandi en France où ses parents se sont réfugiés après le déclenchement des vagues d’exécutions en Iran dans les années 1980.

Après des études de commerces internationales, elle vient de monter sa propre entreprise.

Un horizon de liberté

« Le bleu c’est la ligne d’un horizon de liberté très proche auquel s'attèlent les jeunes organisés en unité de résistance en Iran. Le bleu est une couleur qui se retrouve sous toutes les nuances partout en Iran au fil des âges et de l’histoire de notre magnifique culture », explique Arman qui étudie les Beaux-Arts au Canada. « Les mollahs ont tout détruit. Le ciel de Téhéran a désormais revêtu la couleur grise du nuage de pollution. Dans le sud, le ciel est rouge des tempêtes de poussières. Le bleu des lacs a disparu avec l’eau, la sécheresse frappe partout. Le bleu des mers Caspienne et du Golfe persique sombre aussi sous un manteau pollué. Les mollahs n’ont rien épargné. Nous sommes là aussi pour sauvegarder notre environnement. »

Un long défilé qui a serpenté dans les rues parisiennes, sans heurts, mais avec passion et enthousiasme transportant avec lui ses messages sur la paume avec des stickers « Free Iran » et sur de grandes bannières, avec en tête la principale : « Reconnaissez la volonté du peuple iranien de renverser la dictature religieuse. » Une demande urgente.