Le patron d’Arkéa, en sa qualité d’administrateur du groupe Kering, a eu connaissance de montages offshores réalisés par le géant du luxe français, comme le révélait Mediapart en janvier dernier. Un galop d’essai avant de pouvoir en faire autant, une fois la banque bretonne indépendante ?

Empêtré dans un projet d’indépendance qui commence sérieusement à battre de l’aile, Jean-Pierre Denis, le patron du Crédit Mutuel Arkéa (CMA), filiale bretonne du groupe mutualiste tricolore, pourrait voir son moral dégringoler encore un peu plus, en raison d’une affaire d’évasion fiscale dans laquelle ce dernier est mouillé.

En janvier dernier, Mediapart révélait effectivement que François-Henri Pinault, le patron du géant du luxe, Kering, s’était mis en 4 pour offrir à l’un de ses employés, l’Italien Patrizio Di Marco, à la tête de Gucci de 2008 à 2014, de mirobolants émoluments, grâce à des montages offshores dont seules les grandes fortunes ont le secret. Suisse, Luxembourg, Panama : les dirigeants de Kering ont écumé tous les hauts lieux de l’exil fiscal pour permettre à l’entreprise d’évader 39 millions d’euros d’impôts en Italie.

Les magouilles fiscales de Kering

Poursuivi au pénal pour fraude fiscale par des procureurs milanais — qui ont bouclé leur enquête en novembre dernier —, le groupe piloté par la famille Pinault s’est également vu questionner à deux reprises par le Sénat français, en 2012.

Auquel il a répondu, « la main sur le cœur », indique Mediapart, qu’il « ne réglait pas des rémunérations à ses employés dans des pays où ceux-ci n’exercent pas leur activité principale ». À croire que c’est une manie, en France, de nier « les yeux dans les yeux » avoir recours à l’exil fiscal...

Problème, pour les Jérôme Cahuzac et autres candidats à l’évasion, lorsque les services fiscaux finissent par les attraper — ce qui, avec le développement des consortiums internationaux de journalistes, pourrait être de plus en plus le cas —, la note est en général assez salée.

Jean-Pierre Denis pourrait l’apprendre à ses dépens très bientôt. Et doit d’ailleurs commencer à trembler sacrément du portefeuille.

Le patron du Crédit Mutuel Arkéa (CMA), en sa qualité d’administrateur de Kering, a eu connaissance des magouilles fiscales montées par Pinault et Di Marco, comme le révèle le pure player français.

« Chaque année, le grand patron de Kering écrivait personnellement deux courriers estampillés “confidentiel” à Patrizio Di Marco pour lui annoncer le montant de ses bonus […]. Dans son courrier du 26 mars 2013, François-Henri Pinault indique à Di Marco qu’il pourra “facturer” des “honoraires” de 1,1 million d’euros et qu’il aura droit à un second bonus […] dont le montant a été fixé “sur les conseils du comité des rémunérations” du conseil d’administration de Kering », explique Mediapart. Comité des rémunérations dont faisait partie, à l’époque, Jean-Pierre Denis.

Le patron d'Arkéa rêve d’une introduction en bourse

Dont le nom est désormais associé à un scandale fiscal. Et même si le trublion du monde mutualiste tricolore jouait les Socrate — « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien », pourrait-il affirmer —, son comportement à la tête d’Arkéa ne joue pas en sa faveur.

Jean-Pierre Denis ne s’est-il pas octroyé un salaire d’1,6 million d’euros, en 2016 et 2017, soit plus qu’une rémunération de patron du CAC40 ? « Petite banque, mais rémunération colossale », ironisait à ce titre Mediapart en 2018.

Ce qui nous ramène au projet d’indépendance d’Arkéa, porté à bout de bras par son patron depuis plusieurs années. Et dont les syndicats et les autorités — françaises comme européennes, politiques comme financières — ne comprennent pas grand-chose. Si ce n’est qu’il bruisse ça et là que Jean-Pierre Denis serait davantage motivé par l’enrichissement personnel que par le devenir du groupe breton.

Des soupçons confirmés par un projet d’introduction en Bourse d’Arkéa, une fois la scission réalisée, qu’imagineraient l’homme d’affaires et le fonds d’investissement Tikehau Capital — au sein duquel Jean-Pierre Denis siège au conseil de surveillance. Sauf que la banque n’aurait alors plus rien de mutualiste, et ses dirigeants pourraient user de méthodes capitalistiques. Dont l’évasion fiscale semble faire partie.