La décision de Casino de passer outre les décisions judiciaires de ne pas ouvrir le dimanche préfigure les relations marchandes dans la distribution de demain. Il s’agit pour la distribution de gagner un peu plus d’argent en faisant des économies par le remplacement des caissiers et des caissières par des caisses automatiques. La digitalisation symbolise le nouveau paradigme techniciste et économique du monde de demain. Sur le plan technique il s’agit, au sens de l’économiste Schumpeter, de favoriser la diffusion du progrès technique au nom du principe économique de la destruction créatrice.

La technique, nouvelle créatrice de valeurs, permet de détruire le vieux modèle économique fondé sur l’emploi massif des hommes et des femmes sur les différentes caisses des supermarchés.

Au plan économique, Casino veut économiser sur les charges sociales et les salaires à verser aux salariés. Un euro d’économisé, c’est toujours un euro de pris sur la masse des salaires à verser. L’"ubérisation" et la digitalisation de la distribution obligent les supermarchés à penser un nouveau modèle économique qui avait déjà commencé dans l’industrie pour s’étendre largement au commerce et aux services. Il s’agit de modifier l’ancienne relation magasin/client pour instaurer une trajectoire nouvelle dans laquelle le client est son propre acheteur et vendeur en même temps ; il est confronté à une gamme élargie et diversifiée de produits et il n’a plus qu’à choisir ceux qui lui correspondent, à les scanner et à payer à la sortie par l’intermédiaire de sa carte bancaire ou de son Smartphone.

Nous sommes au cœur d’une révolution numérique qui est déjà bien enracinée dans les sociétés occidentales avec des conséquences importantes pour les relations humaines et salariales entre les entreprises et les employé(e)s.

La robotisation et la création des caisses automatiques inaugurent un nouveau modèle

Le nouveau monde est arrivé pour les thuriféraires de la technologie comme support de la nouvelle croissance.

Pour d’autres, l’invasion de la robotisation et des supports automatiques comme les caisses sont des dangers pour l’emploi et les relations sociales dans l’entreprise. Les ordonnances Macron concernant le travail et les modalités allégées en matière de licenciement accélèrent les processus de mise à l’écart de populations non formées et dont le métier va disparaître à cause de la robotisation systématique des postes de travail.

Le modèle des Trente glorieuses était rassurant car il reposait sur une approche sans soubresaut et sans rupture brutale des modèles de production et de commercialisation des produits et des services.

La révolution numérique bouleverse les conditions et les modalités de production ainsi que la rémunération des facteurs de production que sont le travail et le capital. Le facteur capital est valorisé et les entreprises estiment qu’il faut réduire à quasiment zéro le prix ou le coût du facteur travail. On peut s’interroger sur le rôle décroissant de la demande à cause de la baisse ou de l’absence de salaire. Les entreprises répondent que le marché est national, européen et mondial. Peu importe si les consommateurs français diminuent en nombre, ce qui est une contradiction avec le modèle de croissance française qui est tiré par la demande interne (consommation finale des ménages et investissement des entreprises).

La nécessité d’un débat national

On débat de la retraite en France, c’est bien. Les résultats attendus et les décisions à prendre se feront sur le tard car le gouvernement ne souhaite pas brusquer la société française sur une question aussi sensible que celle de la retraite.

La digitalisation ne fait l’objet d’aucun débat, elle est constatée, on s’en soucie peu. Le modèle américain envahit la société française. Des pans entiers de l’économie doivent s’adapter ou disparaître. Point de débat, silence total des élites et des experts. Les populations subissent, acceptent et il est donc nécessaire de débattre de cette question forte qui risque de devenir la question productive, dangereuse pour la société française dans les années futures. Le débat sur la digitalisation et ses conséquences sur les consommateurs, comme pour les retraites, doit être entrepris ici et maintenant.