Sujet tabou jusqu’à une époque très récente, le féminicide est soudainement devenu un vrai problème de société. Dans les grandes démocraties par exemple, le fléau a pris une ampleur jamais connue auparavant, à telle enseigne qu’une lutte sans merci est livrée à ce fléau par les pouvoirs publics. Ainsi, les gouvernements et les parlements nationaux en font un objet d’inflation législative. Les professionnels de santé travaillent d’arrache-pied pour débusquer les causes éventuelles du fléau. Quant aux particuliers, le féminicide qui les choque est devenu un objet de conversations quotidienne.

Au milieu de cette effervescence sociale autour du féminicide, lorsque les médias s’en mêlent, c’est pour exprimer la psychose collective qui s’empare des masses du fait de ce fléau que certains considèrent comme ancien, tandis que d’autres donnent l’impression de le découvrir. En tout cas, il n’en faut pas plus pour que la presse écrite s’empare du sujet pour en faire la une de ses journaux, et que les médias de masse l’inscrivent aux programmes des heures de grande écoute dans l’espoir de toucher une grande audience.

Devant l’acharnement collectif à exorciser la société de ce mal, se pose aussi la question du vocabulaire. En effet, communément, les injustices faites aux Femmes du fait de leur genre sont regroupées sous le vocable de "violences faites aux femmes".

Par ailleurs, le mot "féminicide" est contesté par une partie de la doctrine qui lui préfère le terme d’"homicide". L’objet de cet article est d’indiquer que le terme "féminicide" est approprié parce qu’il englobe à la fois des atteintes réelles et des atteintes symboliques à la vie des femmes.

Le féminicide réel, meurtre et assassinat physique

Il est maintenant acquis, les femmes peuvent connaître des morts spécifiques liées à leur genre sexuel. C’est ce qu’il convient d’appeler le féminicide réel défini ainsi par Wikipédia : "Le féminicide (ou fémicide, gynécide, gynocide) est par définition le meurtre d’une ou de plusieurs femmes ou filles en raison de leur condition féminine". En l’espèce, les victimes du féminicide meurent pour une seule et unique raison : le fait qu’elles soient des femmes.

La sociologue Diana Russel ainsi que son collègue Jill Radford ont popularisé le terme en 1992 avec leur livre, Femicide, The Politics of Woman Killing (en français : « L’Aspect politique du meurtre des femmes »). Dans cet ouvrage, il est précisé que les victimes de féminicides voient leur vie supprimée parce qu’elles sont des femmes. De surcroît, le féminicide est multiforme en tant qu’il se décline en plusieurs types. L’OMS ( Organisation Mondiale de la Santé) est l'organisation qui donne la typologie des féminicides.

Dans un article rédigé par Le Monde (en ligne), l'OMS donne une définition du féminicide. Ainsi, pour l’OMS il y a plusieurs catégories de féminicides dont :

  • Le féminicide intime. En l’espèce, la victime est tuée par son époux ou un petit ami.
  • Le féminicide lié à l’honneur. Dans ce cas, une fille ou une femme est assassinée par un membre masculin ou féminin de sa famille qui lui reproche une transgression sexuelle ou une dérive comportementale.
  • Le féminicide lié à la dot . Ce connu en Inde où une dot jugée insuffisante par le mari vaut la peine de mort pour la femme.
  • Le féminicide non intime. Ce féminicide est causé par une personne sans relation intime avec la victime. Inutile de le répéter, les auteurs de féminicides sont mus par des motivations sexistes. Mourir parce qu’on est femme, voilà ce qu’il convient d’appeler "une conception genrée de la mort". Cependant, le féminicide ne peut s’arrêter qu’à la mort biologique de la femme mais devrait aussi inclure les atteintes aux droits de la féminin qui signent sa mort civile.

Les féminicide symbolique, l’atteinte aux droits de la femme

Le féminicide n’est pas que la mort biologique de la femme causée par un tiers.

En effet, mis à part les meurtres et les assassinats, les femmes connaissent plusieurs autres formes de morts qu’on a pris l’habitude de qualifier de "violences". Par exemple, les violences domestiques, les disputes, les agressions sexuelles, les v*ols, les mutilations génitales, l’asservissement ou l’anéantissement, ôtent en leurs victimes le goût de la vie et génèrent en elles des troubles mentaux et psychologiques (idées noires pouvant aller jusqu’aux suicides et aux tentatives de suicides). Ce sont là des atteintes qui méritent la qualification de féminicide symbolique.

En milieu familial, en milieu professionnel ou en milieu universitaire, plusieurs femmes souffrent de discriminations de genre qui impactent leur santé de la manière la plus nocive.

Au plan intellectuel, plusieurs femmes ont vu leurs inventions ou fruits de leurs recherches détournés par les hommes et au profit des hommes. Les droits fondamentaux ne sont pas reconnus aux femmes dans plusieurs pays du monde, qui font pourtant partie des pays membres de l’ONU.

Toutes les injustices faites aux femmes et les violences faites aux femmes méritent la qualification de féminicide symbolique d’autant plus qu’elles consacrent la mort civile de la femme. Pour conclure, disons qu’il n’y a pas qu’un seul type de féminicide (le féminicide réel) mais deux si l’on prend en compte, le féminicide symbolique qui regroupe toutes les atteintes aux droits de la femme pour l’exclure socialement et civilement et le féminicide réel engendrée par la mort d'une femme dû à son genre.