L’année 2019 n’est même pas à son terme que l’on dénombre déjà plus d’une centaine de féminicides. Le dernier en date s’est produit avant-hier, portant à 131 le nombre des victimes, 10 de plus qu'à la fin de l'année 2018.
Face à ce qui convient d’être appelé une vraie hécatombe, la panique qui s’est emparée de la population française n’a pas épargné les pouvoirs publics. Ces derniers s’expriment sur le sujet et proposent des solutions. Ainsi,L'Assemblée nationale a voté le 15 novembre une proposition de loi contre les violences conjugales voulant mettre en place un bracelet anti-rapprochement pour les conjoints violents.
Le projet est en proposition au Sénat en procédure accélérée afin d'obtenir un lancement début 2020. Cependant, cette solution soulève des questions multiples quant à son efficacité véritable. Les destinataires se soumettront-ils facilement au port du bracelet anti-rapprochement ? Se conformeront-ils aux exigences liées à cette contrainte ? Par ailleurs, a-t-on pensé aux pièges et guet-apens dont pourrait employer le porteur de bracelet anti-rapprochement pour attirer sa victime vers lui ? Qui ignore encore les nombreux stratagèmes de reconquête d’une femme par son ex-conjoint ? A ce sujet, on peut mentionner les nombreux textos, les courriels inondant la victime de "je t’aime" ou alors les chantages aux suicides…
Or, l’expérience a toujours démontré que les Femmes étaient très sensibles à ces marques d’attention venant d’un ex-conjoint violent qui soudain, apparaît comme converti.
C’est pour cela qu’il convient d’émettre des réserves quant à l’efficacité véritable du bracelet anti-rapprochement qui de fait, apparaît comme une solution techniciste alors qu’une lutte sincère contre les féminicides devrait être basée sur la lutte des causes réelles de ce fléau.
Le port du bracelet électronique en question
Traditionnellement, le bracelet électronique est une mesure d'aménagement de peine d'une personne condamnée à de la prison ferme. La personne s'engage à rester à son domicile à certaines heures, l'administration pénitentiaire contrôlant le respect de ses obligations à l'aide du bracelet qu'elle porte sur elle.
Le placement sous surveillance électronique peut être prononcé en vue d'éviter l'incarcération d'une personne condamnée. Cette mesure peut également être prise dans le cadre de la remise en liberté d'une personne condamnée pour certains faits à une longue peine d'emprisonnement. Ce dispositif préventif laisse espérer le maintien de la distance entre d’anciens conjoints connaissant une séparation difficile.
Or, si cette prévention des féminicides par l’éloignement des ex-conjoints au moyen d’un bracelet électronique est louable, elle présente l’inconvénient d’être plus techniciste que réaliste. En effet, les réalités sociétales imposent une approche sociologique et seule une telle approche permet d’appréhender le problème des féminicides à la source ainsi que dans toutes ses dimensions.
En péchant par technicisme, c’est-à-dire en accordant à la technique, voire à la technicisation, une place prédominante dans la recherche de solutions aux gynécides, le risque d’une socioparésie de la question des féminicides est élevé. Dit autrement, le risque de passer à côté des enjeux réels, voire des racines du fléau est prégnant. A la place d’une approche techniciste, il faudrait proposer une démarche qualitative, laquelle requiert un découpage sociologique de l’objet (le féminicide), et révélerait, à coup sûr, les causes bien plus profondes que de simples violences conjugales. Évidemment, c’est à ces causes profondes qu’il faudrait s’attaquer, si nous voulons réellement combattre les féminicides.
Des causes profondes liées aux féminicides
Si l’on prenait en compte par exemple le critère de la crise économique, on verrait que ce critère aggrave dramatiquement les violences conjugales et les féminicides. Ainsi, une politique préventive des féminicides devrait se soucier en premier d’éradiquer la crise économique dans un pays. Cela passe par la réduction de la pauvreté, du chômage, du manque de pouvoir d’achat, du manque de logement ou même de l’occupation d’un logement insalubre. Assurément, la crise économique et ses nombreuses conséquences sont autant de risques aggravant les violences conjugales et par-delà les féminicides.
Dans le même registre, il faut penser aussi à l’endettement des familles.
Plusieurs couples sont aujourd’hui étreints par la dette pour ne pas dire, surendettés. Cela génère beaucoup de colère et de violence dans les couples, ce qui alimente les choix de divorces non consentis par certains conjoints. A la crise économique et ses conséquences, s'ajoutent l’éducation et les addictions. Au niveau de l’éducation, il convient de dire que la violence conjugale nourrie de féminicides toujours plus les familles moins diplômés que les familles diplômées. Les addictions ne sont pas en reste et de nos jours, elles sont nombreuses : l’addiction à l’alcool, l’addiction au tabac, l’addiction au travail, l’addiction aux jeux vidéo, l’addiction au sexe, l’addiction aux écrans…
Plusieurs facteurs économiques, culturels, politiques, sociaux...etc., sont à l’origine de l’éclatement des couples et expliquent les violences conjugales qui conduisent aux féminicides.
S’attaquer à réduire ces facteurs de risques aggravant les féminicides, c’est à coup sûr rechercher des solutions efficaces à ce phénomène dont l’augmentation devient source d’inquiétudes, de craintes et de peurs collectives.