Valeurs actuelles s'est empressé avec gourmandise de répercuter les hypothétiques confidences du Figaro selon lesquelles, si François Fillon jetait l'éponge, eh bien, oui, Alain Juppé pourrait finalement céder aux amicales pressions de ses amis. "Quand il reviendra, il fera grand jour pour fêter celui… personne n'avait voulu de lui". Refrain : "Juppé reviens, Juppé reviens, Juppé reviens parmi les tiens." Or donc, Alain Juppé et François Fillon se seraient téléphoné samedi (à l'initiative de qui ?) et convenus de reprendre contact. Car, dixit Judith Waintraub, du Fig', Alain Juppé se considérerait à présent "le seul capable de sauver sa famille politique du désastre".
Lorsque le Juppé reparaît, le cercle sacré de la famille LR, "applaudit à grands cris (…) et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être, se dérident soudain à voir Juppé paraître". Hmm… Le grondement de cette onde entre les verges des sarkozystes, pour continuer de parodier Victor Hugo, ne suscite pas des jets de fleurs vermeilles car ils préfèrent la cage sans Alain, la ruche sans Juppé.
Ne jamais dire jamais
"Quelques proches triés sur le volet" auraient recueilli les confidences d'Alain Juppé. L'exilé du refuge de Patiras (en l'estuaire girondin), tel celui antan de l'île d'Elbe, met nonobstant une condition à son retour : que François Fillon l'adoube. Qu'il rejoigne dignement Penelope (et reprenne sa circonscription à NKM), vivre au Palais Bourbon le reste de son âge.
Oui, mais, selon un sondage IFOP-Journal du dimanche, il y aurait quasi autant de partisans de Fillon à vouloir qu'il se maintienne coûte que coûte que d'électeurs à désirer le voir se retirer. Oui, mais, l'UDI ne cède pas aux sirènes d'Emmanuel Macron. Gérard Larcher préfère dire "solidité, lucidité, solidarité" quand le pays exige moralité, probité, limpidité.
Cela étant, si l'eau de la fontaine se troublait, si l'herbe paraissait plus verte du côté de Bordeaux ou d'une autre rive, eh. "Quoi qu'il arrive à la présidentielle, il y aura des législatives", a résumé Jean-Christophe Lagarde. François Bayrou n'en pense pas moins, lui qui ne voit pas d'où viendrait le complot dénoncé par les marais (Régis, par exemple) ou le marigot LR.
L'accord Modem-LR de Fillon lui semble inenvisageable, mais François Bayrou soutiendrait Alain Juppé, sans conditions, sans marchandage. Sinon, un arrangement avec Emmanuel Macron ne peut être "clairement et définitivement" écarté, pour reprendre les mots d'Alain Juppé sur son éventuel retour. Pour le moment ce n'est pas plus évident ou imminent que la déclaration de candidature de Bayrou. Alain Juppé, droit dans ses bottes, aux pieds nickelés et non d'argile, présente cependant deux talons d'Achille. À "gauche" (cela se discute), les chœurs sarkozystes ; à droite, le portefeuille. Détenu par François Fillon et son micro-parti, Force républicaine, qui a engrangé des dons. Car des fonds de campagne ont déjà été investis dans des affiches (déchirées à Levallois notamment), un tract "Stop à la chasse à l'homme" (l'honnête Fillon), divers déplacements, &c.
Un accord Juppé-Fillon serait-il aussi financier ? D'ailleurs, en cas de condamnation, le PR avancerait-il les fonds pour couvrir les amendes des Fillon-Fillon-Fillon (père, mère, enfants), quitte à lancer ensuite un Fillonthon ? Après tout, l'UMP a réglé les pénalités de Sarkozy, lancé un Sarkothon (et écarté les remarques de François Fillon et de son avocat, Me Sureau, évoquant un abus de confiance). Bah, Juppé emportant et investiture et présidentielle, il sera toujours temps de changer l'appellation Les Républicains et faire du passé table rase. Cela semble définitivement et clairement incertain. Mais impossible n'est pas bordelais, alors… Et Alain Juppé saura, sans concussion, répandre les indulgences avec autant de grâce que Ségolène Royal, n'en doutons point.