Depuis les attentats terroristes qui ont frappé la France en 2015, la lutte contre l'Etat islamique et la radicalisation religieuse est devenue l'une des priorités de nos gouvernements, à la fois sous le quinquennat de François Hollande et depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir en Mai dernier.

Ce vendredi, le Premier ministre Edouard Philippe est en visite de terrain dans le Nord, où il doit annoncer les détails d'un plan créé par ses équipes pour lutter contre la radicalisation, notamment au sein des centres pénitentiaires. Les prisons représentent en effet souvent le terreau du terrorisme, et sont des foyers de "contagion" où sévit l'idéologie djihadiste.

Les unités spécialisées regroupant les détenus radicalisés au sein d'un même quartier, crées par Christiane Taubira, ont montré leurs limites et n'ont pas réussi à endiguer le phénomène. François Hollande avait décidé d'abandonner cette mesure en Septembre 2016, lorsque deux surveillants avaient été blessés par un prisonnier enfermé au sein de l'une de ces unités.

Du collectif à l'individualisation

Le projet du nouveau gouvernement a pour objectif, non plus d'isoler les détenus radicalisés, mais de les suivre individuellement. Pour cela, trois quartiers dits "d'évaluation de la radicalisation", composé chacun de 12 places, ont déjà été ouverts dans des prisons de la région parisienne. Edouard Philippe prévoit d'en créer trois de plus d'ici la fin de l'année.

Le principe de ces évaluations est le suivant. Les détenus radicalisés sont analysés longuement et individuellement de façon très régulière par différents experts, notamment des psychologues et des éducateurs. En effet, chaque individu évolue obligatoirement à un rythme différent d'un autre. L'objectif est d'évaluer le degré d'embrigadement.

"On discute sur leur vie (...) et sur ce qui les a conduits à passer à l'acte", indique Philippe Obligis, le directeur de la Prison de Fresnes, dans des propos rapportés par Europe 1. "On aborde aussi le fait religieux, on essaie de cerner le plus possible la personne".

Des signaux dangereux

Pour l'experte Cécile Martrenchar, différents signaux, même très faibles, permettent de détecter la radicalisation d'un individu.

Le plus évident est le changement soudain de comportement et de discours. Les propos deviennent stéréotypés sur la religion, avec un rejet des lois républicaines qui régissent la France. L'isolement social, une nervosité permanente, un regard fuyant,... sont également des signes à ne pas négliger. L'ensemble de ces facteurs analysés chez une même personne sont ensuite croisés, et un jugement précis peut alors être établi.

L'évaluation régulière de ces détenus dure quatre mois, au terme desquels l'administration pénitentiaire doit statuer parmi trois possibilités :

  • Replacer le prisonnier en détention classique si ce dernier n'est pas jugé dangereux.
  • Le transférer dans un quartier spécial pour individus violents, à l'écart du reste de la prison. Ces unités bénéficient d'une sécurité renforcée et de surveillants plus nombreux.
  • Isoler complètement le détenu s'il s'avère particulièrement dangereux. Selon Europe 1, 72 individus sont actuellement dans ce cas en France.

Le gouvernement compte évaluer les 513 personnes incarcérées pour lien avec le terrorisme d'ici la fin de l'année.

Le personnel dédié s’attellera ensuite aux 1.120 prisonniers détenus pour des faits sans lien avec le terrorisme, mais soupçonnés de potentielle radicalisation. Cependant, pour les détracteurs de cette mesure, l'isolement d'un individu n'est pas la solution adéquate si ce dernier est déjà "enfermé dans une idéologie radicale".