Dans son rapport annuel publié mardi, le Défenseur des droits alerte l'exécutif sur le renforcement disproportionné de la répression en France. A sa tête, Jacques Toubon affiche son inquiétude face à un affaissement des libertés qu'il dit constater depuis l'état d'urgence de 2015. Un avis qui semble confirmer celui du Conseil de l'Europe et de l'ONU dans le contexte tendu de la crise des Gilets jaunes.

Il faut dire qu'alors que la loi anticasseurs était votée au Parlement dans la journée, la pression se faisait plutôt forte autour d'Emmanuel Macron et du gouvernement.

Avec cette intervention publique, cela porte désormais à trois les instances qui ont interpellé le couple exécutif sur sa pratique du maintien de l'ordre ! Des recommandations qui se seront jusqu'ici vu opposer une fin de non-recevoir.

Sur le plateau de LCI, l'ancien ministre de droite a toutefois noté que la politique sécuritaire de la France a connu un glissement lent dans la répression pour répondre à la fois à la question terroriste et à la crise migratoire, mais aussi au besoin de maintien de l'ordre face aux troubles sociaux. Un phénomène qui interroge l'autorité indépendante chargée de défendre les citoyens devant l'administration.

L'état d'urgence en mauvais guide

D'après le document transmis à l'Assemblée nationale, les directives données aux forces de l'ordre pour contenir les violences en marge de la contestation sociale semblent s'appuyer sur un relais des mesures prévues par l'état d'urgence décrété suite aux attentats de 2015 !

Un régime d'exception dont le Défenseur des droits déplore qu'il est venu progressivement empoisonner le droit commun.

Et dans le nouvel Etat de droit français conditionné par la suspicion, Jacques Toubon redoute que les droits et libertés fondamentales aient connu une forme d'affaissement. Mais encore, il observe que l'aveuglement sécuritaire affecte désormais le droit des étrangers, avec une politique policière dédiée, traduisant une certaine criminalisation par principe des mouvements migratoires.

Sortir de l'usage du LBD

Autre préoccupation pour le Défenseur des droits, l'usage excessif des lanceurs de balle de défense (LBD) par les forces de l'ordre à l'occasion de la crise des Gilets jaunes qui a donné lieu à de nombreuses séquences de violences à Paris et en régions. Il note à cet effet que les recommandations de son institution pour une interdiction est à aller chercher à plus de quatre ans aujourd'hui.

Loin d'être une réaction biaisée par le mouvement de contestation qui secoue la France depuis dix-sept semaines, l'ancien ministre de la Justice relève que sa prise de position est le fruit d'une analyse de fond d'ailleurs engagée dès 2013 par Dominique Baudis, son prédécesseur. Bien sûr, Jacques Toubon met en avant le fait que d'autres pays ont déjà supprimé l'équipement de leur dispositif.

La loi anticasseurs potentiellement dangereuse

L'ancien député européen affiche également son regret face à l'évolution de la loi anticasseurs portée par Christophe Castaner. S'il assure qu'elle a été conçue à la base pour répondre à une logique de maintien de l'ordre, son réexamen dans l'Hémicycle lui a donné des arguments de rétablissement de l'ordre pour répondre aux violences en marge des manifestations des Gilets jaunes.

Un changement de dimension qui n'est pas sans alarmer le Défenseur des droits. Mais pour calmer le jeu, Emmanuel Macron avait annoncé lundi vouloir adresser le texte au Conseil constitutionnel pour avis. Ce sont notamment les articles deux sur les fouilles, trois sur les interdictions administratives de manifester, et six sur la création d'un délit de dissimulation du visage qui posent problème.