Les journalistes n’en attendaient pas tant. Depuis lundi, au palais de justice de Paris, ils n’assistent pas à un procès mais à un véritable show de Patrick Balkany accusé d’évasion fiscale, de blanchiment d’argent et de corruption. Justifiant son train de vie fastueux à coup de pirouettes et de punchlines, le maire de Levallois renvoie toutes les balles avec un bagou désarmant. Au fait, le prix de la place, c’est combien ?

Les premières exaspérations de Dupont-Moretti

Accompagné de son associé Antoine Vey, le ténor du barreau essuie lundi une première défaite.

En raison de l’hospitalisation d’Isabelle Balkany à cause d’une tentative de suicide début mai, l’avocat demande le report du procès. Choux blancs, la demande est rejetée. Et le show peut commencer. Acquitator aiguise alors ses armes : il demande le remplacement du président d’audience, Benjamin Blanchet, dont il remet en cause l’impartialité. Il aurait déclaré « que la fraude fiscale était un des éléments déterminant de l’action gouvernementale » … Dupont-Moretti ajoute : « C’est une phrase qu’on s’attend à lire sous la plume d’un préfet pas celle d’un magistrat ». Certes, mais l’intéressé refuse évidemment de se dessaisir. Tartufe.

Aussi, le ténor ne pensait pas que son client viendrait lui mettre des bâtons dans les roues durant l’exercice de défense.

Devant un parterre de journalistes, l’avocat explique le contexte difficile avec l’absence d’Isabelle Balkany et mentionne les 71 ans du maire de Levallois. Ce dernier agacé d’être vieilli d’un an, rectifie et récolte en retour le regard noir d’Acquitator exaspéré par cette insertion contre-productive.

Ambiance…

Balkany : la gloire de son père

Il a horreur de la corruption. Il l’assure. Comment expliquer l’écart abyssal entre le train de vie du couple et leurs revenus ? L’explication est simple. Ils sont des héritiers. Le père de Balkany était un juif hongrois résistant. Déporté à Auschwitz, il en sort vivant. De retour en France, il fait fortune dans le prêt-à-porter féminin.

Du coté d’Isabelle Smadja, son nom de jeune fille, le père lui, fait fortune dans l’import-export et le caoutchouc en Tunisie, puis en France. Elle est aussi la nièce d’Henri Smadja, homme d’affaires et patron de presse franco-tunisien. Seul à la barre, Patrick Balkany n’élude rien et déroule donc sur leur condition d’enfants bien nés. Les millions revenus de Suisse, la revente des parts de l’entreprise de son père, les lingots d’or et l’argent en liquide dans les peignoirs : tout y passe. Son père avait « la manie d’acheter des lingots » et puis il ne pense pas « que beaucoup de Français déclarent ce qu’il y a sous leur matelas ». Gloussement dans la salle, la cour elle, rit jaune.

Un procès politique pour un couple politique

Patrick et Isabelle Balkany sont ce qu’on appelle des vieux briscards de la politique. Avant de s’implanter à Levallois Perret qu’ils ne quitteront plus, ils essuient ensemble un premier échec en 1971 dans l’Yonne, lors des législatives, deux ans seulement après leur mariage. Leur duo dirige Levallois-Perret depuis plus de 18 ans. De l’avis de tous, au grand dam de leurs adversaires, ils sont fusionnels et parfaitement complémentaires. Elle, organisée, bosseuse, est la tête. Lui, grande gueule, voix forte, caractère bien trempé, est les jambes. Ensemble, ils affronteront tout, les victoires et les défaites, la séparation puis les retrouvailles. Le tandem fidèle de Sarkozy incarne une certaine manière de faire de la politique.

Ils n’ont pas honte de traiter leurs administrés comme des clients. Ils aiment leur ville et les habitants leur rendent bien. Qu’importent l’endettement, les affaires, les abus et les coups de gueule. Les Balkany sont réélus à chaque fois, haut la main, et même dès le premier tour lors de la dernière élection. Pas sûr que les juges Van Ruymbeke et Patricia Simon soient aussi indulgents.