Pendant la campagne présidentielle américaine de 2016, Kellyanne Conway, la directrice de campagne de Trump, assista aux quatre journées de la convention démocrate à Philadelphie. Elle livra ses observations dans ces termes : « Leur message, c’est : Donald Trump est le diable et nous ne sommes pas Donald Trump. Le reste tourne autour des questions raciales, des questions de genre et des droits des LGBT. » C’est Conway qui a inventé l’expression « les électeurs cachés de Trump » pour désigner des votants désorientés face au scrutin et qui se disaient : « dans la famille, on est syndiqués de père en fils, pourquoi j'irais voter pour un milliardaire républicain ?
» Parmi ces électeurs perplexes, il y avait aussi des femmes qui se disaient : « moi, je suis pour l’avortement […] et je ne pense pas que les républicains vont changer la loi. Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi on n’arrive plus à joindre les deux bouts, alors c’est sur ça que je vais voter. » La plupart des médias ne croyaient pas en l’existence de ces « électeurs cachés de Trump. Et Conway de conclure : « Hillary, elle, n’a aucun électeur caché. On sait déjà exactement qui vote pour elle. »
Les électeurs cachés de Trump
Mais Trump a sans doute dû son succès à cette réserve d'électeurs. La base de données de Reince Priebus et Katie Walsh a permis au camp républicain d'avoir un aperçu très complet du profil de chaque électeur potentiel : la marque de bière qu’ils consommaient, la marque et la couleur de leur voiture, l’âge de leurs enfants et l’école qu’ils fréquentaient, la marque de cigarettes qu’ils fumaient, s’ils avaient contracté un crédit immobilier, etc.
Renouvelaient-ils leur permis de chasse tous les ans ? Que lisaient-ils, un magazine sur les armes à feu ou une publication plutôt marquée à gauche comme The New Republic ?
La faiblesse de Clinton
Le secret de la victoire de Trump, cela a aussi été la faiblesse de son adversaire. Conway a déclaré au sujet de la candidate démocrate : « On ne voit pas quel est son message. Si j’étais à sa place, je chercherais à définir un message et je m’empresserais de l’adopter. Il faudrait que ce soit un message très positif, optimiste, mobilisateur. Sauf que pour l’instant, je ne vois pas beaucoup d’optimisme chez elle. » Hillary Clinton n'a pas passé le seuil des 50% des voix dans huit États clés qu’Obama a remportés à deux reprises avec plus de la moitié des électeurs.
Pour Conway, si la campagne de Trump arrivait à se centrer sur Hillary et non sur Trump, ces fameux électeurs cachés se décideraient pour le candidat républicain. Et c'est ce qui s'est passé.
Une vidéo qui a failli tout compromettre
Et puis, on a cru que tout allait capoter pour Trump lorsqu'a été diffusée une vidéo où on pouvait entendre Trump tenir ces propos jugés sexistes : « Quand vous êtes une star, vous pouvez tout faire, tout ce que vous voulez, même les attraper par la ch****.
» Dès les premières minutes du débat présidentiel avec Hillary Clinton, Anderson Cooper, présentateur vedette de CNN et co-animateur du débat, a évoqué cet enregistrement : « Réalisez-vous que vous vous vantez d’avoir agressé sexuellement des femmes ? » Trump répondit : nous vivons « dans un monde où l’État islamique coupe des têtes […] un monde de guerres et d’événements atroces […] C’était une blague de vestiaire, un truc en l’air. Moi, je vais pulvériser Daech. » Un peu plus tard, il déclara : « Prenez Bill Clinton, son cas est bien pire que le mien. Moi j’ai juste prononcé des mots, lui, c’étaient des actes. […] Dans l’histoire politique de ce pays, personne n’a jamais traité les femmes aussi mal.
» Après quoi, Trump renchérit : « Quand Hillary […] cite des propos que j’ai tenus il y a onze ans, c’est vraiment pathétique, elle devrait avoir honte. »
Un candidat incompétent ?
Enfin, le jour du vote arriva. Avec le résultat qu'on sait. Trump lui-même n’en revenait pas, selon Steve Bannon, ancien conseiller de Trump : « Il n’avait pas la moindre idée qu’il allait gagner. Et il n’était pas du tout préparé. Pour lui, il n’était pas question de perdre, mais ça ne veut pas dire qu’il réalisait qu’il pouvait gagner (...) Et n’oubliez pas : aucune préparation, pas d’équipe de transition. » Vladimir Poutine l’appela de Moscou pour le féliciter, de même que le président chinois Xi Jinping et de nombreux autres chefs d’État.
« C’est alors qu’il s’est vraiment rendu compte de l’énormité de la chose, se souvint Bannon. Hillary Clinton a passé toute sa vie à se préparer en vue d’un moment pareil. Trump n’y a pas consacré une seconde. »