C'est par un tweet victorieux que Ségolène Royal a annoncé la signature du décret abrogeant l'autorisation d'exploiter la centrale : " Le décret sur la fermeture de la centrale de Fessenheim est signé et publié ce matin au J.O. C'est dit, c'est fait." L'une des nombreuses promesses de campagne de François Hollande est ainsi tenue sur le fil, mais à moitié : en effet, ce dernier avait affirmé que la centrale nucléaire serait fermée à l'horizon 2017.
Or, la signature du décret permettant cette fermeture aura bien été faite sous son quinquennat - un mois avant la fin -, mais elle ne sera effective que dans quelques années.
Coup dur pour EDF
Le principal fournisseur d'énergie français, dont l'Etat est actionnaire à 83%, reçoit ainsi un coup dur, car il réclamait que l'EPR de Flamanville soit au moins mis en marche avant que l'annonce de la fermeture de Fessenheim ne soit faite. Or, cet EPR devait être mis en service en 2012, a pris beaucoup de retard dans sa construction à cause de défauts d'étanchéité, et coûtera finalement 3 fois plus cher que le prix indiqué sur le devis initial.
Il devrait être terminé en fin 2019 et coûtera plus de 10 milliards d'euros. C'est à cette condition qu'EDF, lors du dernier conseil d'administration, jeudi, avait donné son accord pour que la demande d'abrogation du droit d'exploiter la centrale soit transmise à l'Etat.
Pourquoi ? Selon EDF, pour de simples raisons d'autosuffisance énergétique, car la centrale de Fessenheim constitue une part importante de la production d'électricité en France, et sa fermeture ne doit donc se faire qu'après que l'on se soit assuré de disposer d'une autre source d'énergie aussi efficace. En effet, initialement, le fournisseur souhaitait que cette demande d'abrogation ne soit faite que dans les 6 mois avant la mise en service de l'EPR de Flamanville, en Normandie.
Cependant, c'est également un coup dur pour les salariés alsaciens de la centrale de Fessenheim, qui s'étaient opposés à cette fermeture au nom de la sauvegarde de leur emploi : environ 2000 postes sont menacés. Ils étaient réunis jeudi à la Défense, devant la tour EDF, pour rejeter l'idée d'une fermeture du site, et ils restaient optimistes. Ce n'est plus le cas depuis cette annonce. En 2014, une étude de l'INSEE déclarait que les revenus de 5000 personnes étaient directement ou indirectement menacés par la fermeture de la centrale, ce qui représenterait un manque à gagner pour l'Etat. Les syndicats continueront de se battre pour la sauvegarde de ce site, malgré tous les dangers qu'elle comporte pour l'environnement - enfouissement des déchets radioactifs à Bure - et pour la santé des Français - l'explosion d'un réacteur provoquerait une crise sans précédent depuis la catastrophe de Fukushima.
La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, réclamée depuis longtemps par la gauche, les écologistes, les ONG, et même nos voisins allemands, commençait à devenir un problème urgent du fait de l'âge de cette centrale. En effet, c'est l'une des plus vieilles du parc nucléaire français, et une bonne partie de notre dette a été consacrée à sa conservation en état. Malheureusement, les travaux ne suffisant plus, la fermeture devenait nécessaire, au nom du risque d'une catastrophe.
Victoire pour Greenpeace
Les revendications d'EDF étaient incompréhensibles aux yeux de l'ONG Greenpeace, qui réclame depuis longtemps la fermeture de Fessenheim : " Combien de temps encore l'entreprise publique criblée de dettes va-t-elle décider seule de la politique énergétique de la France, poser des conditions et risquer la sécurité et les finances des Français sans qu'aucun gouvernement ne puisse rien faire ou dire ?" s'était exclamé le chargé de campagne nucléaire jeudi, suite au conseil d'administration d'EDF.
Aujourd'hui, ce ne sont pas seulement les ONG environnementales telles que Greenpeace ou WWF qui se réjouissent de cette décision, mais également les partis écologistes et de gauche généralement parlant.