1er juin 1832, un homme est guillotiné à Troyes pour avoir tué le gardien-chef de sa Prison. Il a reconnu avoir commis le crime à l'époque, mais était-il le seul responsable ? Cet homme, c'est Claude Gueux. Un homme qu'on a jeté en prison pendant cinq ans pour avoir Volé un morceau de pain, alors que sa femme et son bébé mourraient de faim. Un homme que l'on poussa au crime quand on lui annonça, sans aucun respect pour sa dignité d'être humain, la mort de son enfant. Cet homme, c'est celui qui inspira l'histoire de Jean Valjean à Victor Hugo. C'est l'histoire d'un combat que la France a mené, il y a un peu moins de 200 ans, à travers la littérature et l'histoire, celui d'espérer que plus jamais un homme ne pourrait être jeté en prison pour avoir eu faim...

Pourtant, il semblerait que l'histoire se soit répétée ce lundi 24 avril à Bordeaux.

Quels sont les faits qui ont poussé la justice bordelaise à condamner un homme pour avoir volé de la nourriture ?

Dimanche 23 avril, un homme rentre dans un supermarché du centre ville bordelais. Il y vole, un paquet de saucisses de Strasbourg, un paquet de gâteau et une brosse à dent électrique. L'ensemble des articles volés ne dépasse pas les 20 euros de préjudice. Le vol est immédiatement constaté, l'homme d'une trentaine d'années, d'origine congolaise se fait prendre... Il se jettera alors immédiatement sur la nourriture qu'il vient de voler pour la manger. Il est dès lors placé en détention provisoire, pour passer dès le lendemain devant le juge correctionnel, en comparution immédiate.

Lundi 24 avril, Madame le procureur, Anne Kayanakis, requiert une peine de trois mois ferme de prison pour vol simple, après avoir abandonné au cours de l'audience la circonstance aggravante de dégradation, retenue contre l'accusé pour avoir consommé les produits volés. L'avocate du voleur plaide alors l'état de nécessité, et tente de prouver qu'il a été poussé au délit par la faim, "il a fait ça parce qu'il avait faim".

Durant l'audience, l'accusé refuse de donner au président des explications sur son geste, et préfère se murer dans le silence. Les conséquences seront inattendues mais lourdes, puisque le président, Alain Reynal, déclara "Si vous ne donnez aucune explication, il est difficile de retenir l'état de nécessité plaidé par votre défenseur.

En restant mutique, vous avez scié la branche sur laquelle vous étiez assis." L'individu sera finalement condamné à 15 jours de prison ferme.

Que sait-on sur cet homme qui a commis le vol de nourriture ?

Les informations concernant l'individu apparaissent substantielles. Il dit être d'origine congolaise, bien que le Congo ne le reconnaisse pas comme l'un de ses ressortissants. Il semblerait, plus vraisemblablement, qu'il s'agisse d'un sans papier qui ne disposerait pas de ressources. Il serait sorti de prison assez récemment, après avoir écopé d'une peine pour maintien irrégulier sur le territoire français.

Cela fait plusieurs fois que la justice française vient à condamner un homme à la prison ferme pour avoir volé de la nourriture.

Effectivement, en mai 2016 un SDF de 18 ans avait été également condamné à deux mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Cahors pour avoir volé des pâtes et du riz.

Certes, les délits et les crimes ne peuvent, selon notre système judiciaire, rester impunis. Mais rappelons, néanmoins, que l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose que: " La Loi est l'expression de la volonté générale. […] Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse." Un principe qui semble, ces dernières années, s'absoudre selon les accusés... Dans la société du XIXème siècle, Victor Hugo écrivait " Voyez Claude Gueux. Cerveau bien fait, coeur bien fait, sans nul doute. Mais le sort le met dans une société si mal faite, qu'il finit par voler ; la société le met dans une prison si mal faite, qu'il finit par tuer. Qui est réellement coupable ? Est-ce lui ? Est-ce nous ?" Il semblerait que la question soit toujours d'actualité...