Le 10 août 2018, le comité des droits de l'homme, instance des Nations unies, a rendu une constatation relative à l'affaire Baby Loup. Cette affaire avait été commentée sous toutes ses coutures par les partisans d'une laïcité stricte. On croyait cette affaire rangée au fin fond des armoires des juristes adeptes de débats sans issues mais c'était évidemment, sans compter sur l'intervention du Comité.

Qu'avait jugé la Cour de Cassation en 2015 ?

Dans l'épilogue juridique français, la Cour de Cassation avait jugé, le 25 juin 2015, le licenciement de Fatima Afif, salariée voilée de la crèche privée Baby Loup comme valide.

Elle confirme que la salariée avait bien violé le règlement intérieur de l'entreprise qui interdisait le port de signes religieux au sein de la crèche de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Elle affirme en revanche que le principe de laïcité n'est pas pour autant directement applicable aux salariés d'entreprises privées.

Cette affaire avait mis en lumière les difficultés substantielles inhérentes à la laïcité dans le monde des entreprises privées. La laïcité et l'obligation de neutralité telles qu'entendues en France et dans son corpus juridique ne visent que la sphère publique et étatique.

Quelles étaient les solutions pour la requérante licenciée ?

Mlle Fatima Afif pouvait, après les nombreux recours français saisir la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Cependant si cette position a pu être envisagée par ses avocats, en terme de stratégie juridique cela n'aurait pas été le plus approprié. La Cour a une vision de la neutralité laissant une place importante aux cultures nationales. Elle laisse donc une marge nationale d'appréciation significative aux Etats dans ce domaine. Son arrêt de 2015 (CEDH, 2015, Ebrahimian c.

France) rendait d'ailleurs l'espoir de voir une condamnation de la France pour l'affaire Baby Loup plus qu'improbable.

Il restait donc une voie significative pour la salariée licenciée : le Comité des droits de l'homme !

Quelle est la position du Comité ?

Le Comité a estimé dans sa constatation que la salariée licenciée en 2008 avait été victime de discrimination (article 26 du PIDCP) et d'atteinte à sa liberté de manifester sa religion (article 1 du PIDCP).

Cette position réjouira sans doute les partisans de la liberté totale de manifester sa religion y compris sur son lieu de travail.

Une question demeure, la justice française donnera t-elle suite à cette position ?

Si certes la France est partie au PIDCP de 1966, en revanche, les constations du comité n'ont pas de valeur contraignante, nous ne sommes donc pas certains que la salariée voit sa situation révisée.

Reste à souligner que cette position du Comité est conforme à son habitude, distincte de celle de la Cour Européenne et confirme que la laïcité et la neutralité sont encore, au sujet de l'islam, des sujets ambivalents. La conception française ne semble pas partagée par toutes les instances supranationales, peut-être parce que cette conception ne cesse d'être poussée à son paroxysme au point d'en perdre tout pragmatisme.