Depuis 5 ans, Myfood remarque que l’industrie agro-alimentaire est assez fragile. Cette start-up alsacienne décide d’anticiper pour décentraliser la production alimentaire, l’amener dans les quartiers et apporter des unités de production directement chez les habitants.

En même temps qu’elle se développe en France, cette jeune pousse travaille aussi avec le Benelux et le Québec. Le co-fondateur de Myfood, Matthieu Urban, répond aux questions de Blasting News en participant au projet BlastingTalks. Ce dernier a pour objectif de mettre en avant les méthodes mises en place par plusieurs industries afin de faire face aux challenges liés à l’évolution du monde digital et de cette période inédite de crise sanitaire.

Myfood propose concrètement une offre qui permet à qui le souhaite de produire ses propres aliments chez soi grâce à une serre connectée. D’où vous est venue cette idée ?

L’idée de Myfood est venue principalement d’un constat sur l'agriculture et le système agro-alimentaire. Nous avons remarqué qu’aujourd’hui les gens sont en train de se détourner du système et essaient de trouver des alternatives pour manger correctement, avec un impact environnemental réduit et moins pollué.

Il se trouve que l’agriculture n’est pas vraiment en train de faire un virage à ce niveau-là. Au contraire, on voit davantage de produits phytosanitaires, de concentration et de monoculture. Simplement, nous nous sommes dit que le changement devait venir des citoyens.

Nous avons remarqué cette tendance de vouloir produire par soi-même, d’où l’idée de donner la possibilité aux citoyens de produire leur propre alimentation. Nous voulons leur redonner une autonomie au niveau de leur consommation.

Le confinement vécu par la planète entière a fait que certains produits ne pouvaient plus être fournis.

Pensez-vous que cette période a poussé les individus à plus d’indépendance alimentaire ? En direction d’une agriculture plus locale ?

Avec la fermeture des frontières, l’agriculture a connu des difficultés. En effet, on l’a vu ici en Alsace, où des travailleurs polonais devaient venir travailler pour exploiter les surfaces et n’ont pas pu venir.

Des champs entiers n’ont pas pu être récoltés. Nous n’étions pas loin de nous retrouver avec des pénuries de produits frais. Pendant cette période, on a vu que le point de rupture n’était pas si loin.

Cela a engendré une explosion de notre activité qui a été quasiment multipliée par deux. Les gens se sont mis à faire leurs cultures et leur propre production. Donc il y a vraiment une tendance vers l’envie de faire par soi-même.

Pendant la crise du COVID-19, la réduction de nos déplacements a conduit à la plus grande diminution d'émissions de carbone jamais enregistrée selon la BBC. Pensez-vous que cette tendance se poursuivra dans les esprits des industriels ?

La réduction des gaz à effet de serre pendant cette période-là n’a pas été voulue, elle a été générée par un confinement qui a été décidé.

À mon avis, pendant des périodes de crise, les gens cherchent surtout à trouver de quoi manger et ne se préoccupent pas vraiment des émissions de CO2. Les prises de conscience environnementales ne se prennent que lorsqu’on se retrouve au pied du mur en général.

Il y a aussi une volonté de réduction d’émission des gaz à effet de serre dans votre offre que vous promettez sans pesticides ni OGM. Avec le secteur de l’agroalimentaire de l’autre côté, est-il difficile de convaincre les consommateurs de se diriger vers votre solution ?

Nous avons juste à convaincre les citoyens. Quand on leur dit qu’une famille peut produire sur 22 m² quasiment 60-80% de ses légumes toute l’année sans avoir besoin d’utiliser de produits chimiques, pour eux c’est une évidence.

Pour le coup, produire chez soi est beaucoup plus vertueux que de produire avec l’agriculture classique. Les gens comprennent donc très vite l’impact environnemental et les bénéfices sur leur santé.

Faut-il avoir des compétences particulières en jardinage pour se lancer ?

La moitié des personnes qui utilisent nos serres aujourd’hui n’y connaissaient pas grand chose en jardinage. Nous avons développé un produit très facile d’usage qui enlève 80% de pénibilité (pas d’arrosage quotidien, pas de travail difficile de la terre etc.)

Nous avons aussi beaucoup d’outils d’accompagnement : une communauté d’utilisateurs et des agronomes en soutien sur un réseau social dédié. Mais aussi, des vidéos de support, une application avec des alertes et aussi un coaching personnalisé.

En additionnant tous ces éléments, on permet à une personne qui n’a jamais cultivé d’être autonome au bout de quelques mois.

Le jardinage reste pour beaucoup une activité de loisirs mais des études démontrent qu’il peut être bénéfique pour la santé, vous confirmez ?

Oui plus qu’on ne le pense. Nous avons installé des serres dans un Ehpad et une étude scientifique est en train de montrer que les personnes âgées ont réduit leur consommation de médicaments et dorment mieux la nuit suite à des activités liées au jardinage. En étant plus souvent présent dans un contexte de serre qui ressemble finalement à un jardin thérapeutique, les personnes âgées se sentent mieux.

Vous souhaitez offrir des solutions pour produire une alimentation durable et plus saine, on peut dire que le pari est en partie relevé depuis vos débuts en 2015 ?

C’est vrai qu’au début nous visions plutôt les familles, puis nous nous sommes mis à installer des serres dans des écoles, des restaurants, dans des gîtes, des maisons de retraite, des collectivités et des espaces publics. Nous touchons une audience beaucoup plus large.

Votre société a généré près d’un million de CA en 2019 êtes-vous en recherche de nouveaux partenaires, de projets d’expansion ?

Nous sommes en pleine croissance du fait que notre produit est de plus en plus d’actualité pour plusieurs raisons telles que l’environnement, l’empreinte carbone et la santé. Nous recherchons donc une levée de fonds en 2021 pour atteindre une croissance européenne et internationale.