Une aventure lancée par Loïc Moisand et Thibault Hanin quatre ans avant l’arrivée d’Instagram qui a complètement bousculé le marketing, Synthesio a su proposer une solution pour écouter les conversations en ligne sur toutes les plateformes : réseaux sociaux, blogs, forums.... Il est question de collecter et traiter la donnée sociale afin d’orienter les marques dans leur stratégie. Leur objectif : faire comprendre ce que pensent les consommateurs de leurs produits.

Au total, 130 collaborateurs travaillent ensemble depuis 2006, date de création de Synthesio.

Depuis, cette jeune pousse a fait bien du chemin et sera même repérée par l’institut Ipsos qui décide d’en faire l’acquisition en 2018. Pour en savoir plus, Sacha Vaguelsy, qui pilote l’équipe produit de Synthesio, répond aux questions de Blasting News, dans le cadre de notre projet BlastingTalks qui consiste à se concentrer sur les challenges auxquels les compagnies font face lors de l’évolution du monde digital et lors de cette période inédite de crise sanitaire liée au COVID-19.

Synthesio propose à de nombreuses marques une plateforme mesurant l'impact des conversations en ligne pour améliorer leur performance marketing. De quel constat êtes-vous partis pour vous lancer dans cette création d’entreprise ?

Synthesio va bientôt fêter ses 15 ans. Comme beaucoup de startups, on est passés par de nombreux pivots. Initialement Synthesio ne collectait la voix du consommateurs que sur les forums En 2013, grâce à une grosse levée de fonds, la priorité a été donnée au produit et le développement d’une technologie unique pour collecter et analyser les conversations en ligne.

L’objectif étant de faire un véritable pivot vers une société technologique : au lieu de fournir des études, Synthesio fournissait une technologie que nos clients utilisaient eux mêmes, c’est ce qu’on appelle le modèle SaaS (software as a service). En parallèle, Synthesio est parti à la conquête du marché américain et l’activité a décollé.

Le constat de départ était le suivant : les conversations en ligne sont une mine d’or pour les entreprises pour mieux comprendre leurs consommateurs mais demeurent inexploitées. Et pour cause, aucune technologie ne leur permet aujourd’hui de les collecter et les analyser en hybridant les différentes sources disponibles : réseaux sociaux, forums, presse... Nous avons pour conviction que l’analyse du comportement ou du discours du consommateur doit guider n’importe quelle entreprise.

Qui comptez-vous parmi vos partenaires ? Quels types de marques ou d’entreprises font appel à vos services ?

Nous travaillons essentiellement avec les grands groupes. L’offre Synthesio est d’ailleurs structurée pour eux.

La plateforme technologique à laquelle ils ont accès est pensée pour leurs cas d’usages : marketing, communication, relations presse, gestion de crise, influence marketing.... Autour de nous, l’écosystème reste autour des grands comptes. Et pour cause, ce sont bien ces derniers qui doivent affronter des enjeux d’hybridation des sources de données, de collecte d’importants volumes, mais aussi de reporting unifié à grande échelle. C’est ce que nous tentons de résoudre avec la suite Synthesio.

Comment avez-vous vécu la crise du COVID-19 sachant que vous étiez au coeur des conversations très divisées lors de cette période de crise sanitaire ? Avez-vous modifié votre manière de travailler ?

Du point de vue organisationnel, nous avons eu la chance d’avoir une technologie très décentralisée qui ne nécessite donc pas la présence physique de notre équipe d’ingénieurs.

Un grand bureau existe bien à Paris mais un ⅓ de l’équipe est à distance. Certains collaborateurs travaillent de chez eux depuis plusieurs années, nous avons donc dû adapter tous nos process pour systématiser cette gestion à distance.

Aujourd’hui, nous nous sommes adaptés à nos clients sur cette couverture mondiale. Ainsi nous avons quatre bureaux dont un à Paris, un à Londres, un à Singapour et un à New York.

Vous déclarez: “dans un monde incertain, les données comptent”. Votre analyse de réactions en ligne a donné des informations cruciales aux marques sur les attentes des consommateurs afin qu’elles puissent faire face à cette crise. Quelles ont été les plus fortes tendances découvertes qui ont impacté vos clients ?

Nous avons eu beaucoup de marques qui venaient vers nous pour savoir ce qu’elles devaient faire, quelles étaient les attentes des consommateurs, devaient-elles maintenir certaines initiatives ou non. Par exemple, toutes les marques qui ont pu promouvoir des logiques de santé, de confort et de sécurité, sont celles qui ont rencontré le plus de succès pendant la crise. Dans l’agroalimentaire notamment, nous avons vu des consommateurs réagir positivement à ce niveau. Ils étaient assez consciencieux et désireux de mettre en place des bonnes pratiques dans leur quotidien : optimiser leur lieu de vie, pratiquer une activité physique, manger mieux etc. La tendance en communication est résolument à l’émotion : les consommateurs attendent des marques une empathie inédite et se tournent vers elles pour trouver de nouvelles solutions en contexte de crise.

Quel enjeu voyez-vous autour des fake news, vous qui êtes à leur contact permanent ?

Les réseaux sociaux et internet en général ont bouleversé notre rapport à l’information. Je pense que le vrai responsable de cette situation ce n’est pas tant le citoyen mais plus les plateformes dont c’est la responsabilité. Même si des sociétés comme la nôtre développent des algorithmes de détection via l’intelligence artificielle, la situation restera la même tant que les plateformes n’auront pas déployé de moyens suffisants pour en limiter la propagation. Comme la réglementation est encore trop faible, elles disent que tout le contenu qui est écrit sur ces plateformes leur appartient, cela leur permet de générer du revenu via du marketing publicitaire.

Mais à partir du moment où ces contenus ont des conséquences négatives, ‘ce n’est pas de leur faute’.

Synthesio a été racheté en 2018 par l’entreprise française de sondage Ipsos. Comment cela a-t-il boosté la compagnie ? Qu'est-ce qui a été apporté de plus ?

Il faut savoir qu’avant de nous racheter, Ipsos était un grand client de Synthesio. Ils avaient enclenché une grande démarche d’innovation, s’aidant des données sociales pour leurs études. Leurs études marketing constituent la majeure partie de leurs revenus en complémentarité des sondages politiques. Ils nous ont choisis car ils avaient énormément de défis technologiques à relever. Ipsos nous a apporté des modèles scientifiques très pointus pour perfectionner nos méthodologies de traitement et d’analyse des données.

Un autre avantage est évidemment leur taille, ils sont présents dans le monde entier. Ils sont sur des missions très intéressantes avec des besoins poussés. Grâce à eux, nous sommes montés d’un cran sur la maturité des dialogues qu’on pouvait avoir avec nos clients.

Aujourd’hui Instagram est devenu le seul canal de publicité pour certaines entreprises qui vérifient leurs commentaires, analysent les habitudes d’achat de leurs potentiels clients. Peut-on dire que les réseaux sociaux sont aussi vos concurrents ?

Je ne pense pas que l’on puisse dire qu’ils sont nos concurrents. Selon moi, il y a une relation très particulière entre la plateforme comme Instagram et la marque qui doit payer, pour que son message soit vu par son audience.

Chez Synthesio, nous nous positionnons du côté des marques.

Le vrai problème de concurrence existe plus entre la plateforme et la marque. En effet, c’est la plateforme qui possède l’audience mais c’est la marque qui la cultive en réalisant des opérations adaptées à cet écosystème (choix de l’influencer, respect du format qui marche...etc). Or, dès l’instant où la plateforme décide de changer les règles du jeu, par exemple en diminuant la capacité de la marque à toucher son audience sans payer, alors cette relation de confiance s'effondre. Et pour l’instant il n’existe pas d’organisme étatique chargé de faire l’arbitre comme médiamétrie pour les médias traditionnels.

Avez-vous déjà des perspectives pour 2021 ?

Depuis plusieurs années, nous avons beaucoup investi dans la data science d’un point de vue stratégique. Je pense que la crise du coronavirus a exprimé le besoin des marques d’être capable de comprendre rapidement avec l’aide de la technologie comment des consommateurs s’expriment et d’identifier rapidement comment leurs conversations évoluent dans le temps. Nous allons donc poursuivre vers cette voie-là.