Après le déclenchement du 49.3 le jeudi 16 mars et l'intervention télévisée du président de la République le mercredi 22 mars, les manifestants contre la réforme des retraites ont vivement réagi. Une forte mobilisation accompagnée de violents heurts avec les forces de l'ordre ont eu lieu dans plusieurs villes, alors que les syndicats appellent encore à une nouvelle journée d'actions mardi prochain 28 mars.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé 441 policiers et gendarmes blessés et 457 interpellations pour ce jeudi 23 mars dont 127 personnes placées en garde à vue et 14 hospitalisations parmi les policiers à Paris.

Il s'est dit inquiet de la tournure radicale que prennent certaines manifestations et a signalé la présence de casseurs dans les cortèges de protestataires.

La Brav-M décriée

Des partis de l'opposition déplorent les méthodes des forces de l'ordre, les gardes à vue abusives et la violence des agents. Dans un enregistrement, on peut entendre des policiers de la Brav-M ouvertement menacer de jeunes manifestants. Le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a déclaré être très choqué et a qualifié ces comportements de déontologiquement graves.

Une autre vidéo largement partagée sur Internet montrait un policier à Paris, assénant un coup de poing au visage d'un manifestant lundi 29 mars soir. Egalement dans la capitale, un militant du syndicat cheminot Sud-Rail a été grièvement blessé à l'œil lors de la manifestation du jeudi 23 mars.

Le même jour à Rouen, une manifestante d'une trentaine d'années a eu un pouce arraché quand la police a lancé des grenades lacrymogènes et de désencerclement pour disperser les manifestants. Une enquête a été ouverte par le parquet de Rouen pour déterminer les circonstances de cette mutilation. Interrogé sur ces violences policières, Gérald Darmanin a déclaré que 11 enquêtes de l'IGPN sont déjà ouvertes depuis une semaine et qu'il fallait sanctionner les comportements de certains policiers.

Laurent Nuñez a assuré d'un autre côté, que la réponse policière était proportionnée et a précisé que les policiers intervenaient uniquement pour disperser les black blocs. En effet, de nombreuses dégradations de mobilier urbain ont été enregistrées partout en France et particulièrement à Paris, Bordeaux et Nantes au lendemain de cette 9 ème journée de mobilisation.

Les dégâts les plus importants ont été surtout signalés dans la capitale (abris, kiosques, feux de signalisation vandalisés, voitures et scooters brûlés).

Le Conseil de l'Europe inquiet, la visite de Charles III reportée

Au cours de cette 9 ème journée de mobilisation, les syndicats parlaient de près de 3,5 millions de manifestants en France, 1,089 million selon la police. Interrogés sur la violence des manifestants, les syndicalistes estiment ne pas être responsables de ceux qui sont violents, qui détruisent et mettent le feu. La Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic a réagi ce vendredi 24 mars et s'est alarmée rappelant que les actes de violence perpétrés par certains manifestants contre les policiers ne justifiaient pas le recours à la force ni de priver les autres manifestants d'user de leur droit à la liberté de réunion.

Cette journée du vendredi a été également marquée par l'annulation de la visite en France du souverain britannique en raison de la situation sociale dans le pays. Charles III était attendu ce dimanche 26 mars à Paris pour une visite de trois jours. L'opposition a beaucoup ironisé sur le report de cette visite. La CFDT a estimé qu'il fallait faire la part des choses alors que certains appelaient à manifester à Versailles lundi prochain à l'occasion de la visite du Roi avant que celle-ci ne soit finalement reportée.

Parallèlement, en pleine protestation sociale, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait précédemment annoncé la mobilisation de 4 000 policiers et gendarmes pour couvrir cette visite de Charles III.

Malgré des inquiétudes de sécurité, Gérald Darmanin avait même déclaré que son département était prêt à accueillir le souverain dans de très bonnes conditions. Sur le terrain par contre, le mouvement social ne faiblit toujours pas.

Des grèves, sans arrêt

Si l'intersyndicale appelle à une nouvelle grande journée de mobilisation le 28 mars, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a anticipé sur cette date et a déjà demandé aux compagnies aériennes de diminuer respectivement de 33 et 20% leurs vols dimanche et lundi. Pour la SNCF, le trafic s'est légèrement amélioré, mais des perturbations perdurent.

Les raffineries françaises ont bloqué quasiment toutes leurs expéditions. En amont, le Gouvernement a eu recours à des réquisitions de salariés pour envoyer le carburant dans les stations.

À Entzheim (Bas-Rhin) en Alsace, des syndicalistes ont bloqué une plateforme de distribution de Lidl.

Du côté des éboueurs, il y a toujours des barrages filtrants. Une assemblée générale aura lieu lundi matin pour décider des suites du mouvement.

Les syndicats lycéens appellent à une semaine de "lycées bloqués" à partir de lundi 27 mars jusqu'à la fin de la semaine. La Chambre de commerce et d'industrie (CCI) a dénoncé ce vendredi les conséquences de ces grèves : tensions, blocages et dégradations sur une activité des commerces déjà bien fragilisée.

Une réponse politique pour un problème politique

L'opposition dénonce un Exécutif sourd face aux revendications du mouvement et insiste sur la nécessité d'une réponse politique.

Elle appelle le président de la République à retirer ce projet sur la réforme des retraites. Ce vendredi, le président Emmanuel Macron en déplacement à Bruxelles, a déclaré que le pays ne pouvait rester à l'arrêt et s'est dit disponible pour avancer sur les questions sociales (usure professionnelle, fins de carrières, reconversions, conditions de travail et rémunérations) mais la partie syndicale reste sceptique face à cette invitation.

Interrogé sur les violences lors des manifestations, le président de la République a condamné avec la plus grande fermeté ces débordements et a affirmé la nécessité de ne pas céder. Gérald Darmanin a également appelé à condamner les groupes "d'extrême gauche" et "les factieux" et les a qualifiés de très violents.

Il a souligné qu'il n'était pas possible de retirer la réforme face à ces agissements. Il a aussi ouvertement critiqué l'opposition la jugeant non-constructive et incapable de gouverner.

La Première ministre Elisabeth Borne a indiqué lundi 20 mars qu'elle allait saisir « directement le Conseil constitutionnel » pour un examen « dans les meilleurs délais » du texte. Pour le Gouvernement, le Conseil Constitutionnel reste ainsi le dernier rempart à l’application de la réforme alors que la même institution demeure paradoxalement le seul espoir de l’opposition après le rejet de la motion de censure à l’Assemblée Nationale.