Hier, Ankara a haussé le ton face à Amsterdam, qui avait refusé de laisser le ministre des Affaires étrangères turc atterrir à Rotterdam. Ce dernier devait participer à un meeting traitant du référendum constitutionnel en Turquie, celui qui devrait octroyer plus de pouvoirs au président. Bien entendu, le chef de la diplomatie turque est dans le camp pro-Erdogan. Ces rassemblements, qui avaient fait parler d'eux en Allemagne puisqu'ils avaient été interdits par les autorités, ont également lieu aux Pays-Bas, et après s'être brouillée avec l'Allemagne, la Turquie s'apprête à se brouiller avec les Pays-Bas.

Une ministre refoulée

La ministre turque de la famille, hier aussi, a tenté de se rendre à Rotterdam par la route, depuis l'Allemagne, mais elle a été bloquée par des policiers à quelques mètres du consulat de Turquie. Elle s'est plainte devant la télévision turque, alors qu'on la retenait depuis plusieurs heures à côté du consulat : " Nous sommes là depuis 4 heures. La police néerlandaise ne m'autorise pas à entrer dans le consulat. On m'a dit de quitter le pays et de retourner en Allemagne dès que possible." Aux Pays-Bas se trouvent près de 400 000 ressortissants turcs, d'où l'importance, pour le gouvernement turc, de les rendre sensibles à sa cause, et à la proposition faite par Erdogan de modifier la Constitution pour renforcer ses pouvoirs.

Colère froide d'Erdogan

Immédiatement après l'événement, les autorités turques ont perquisitionné l'ambassade des Pays-Bas en Turquie, ainsi que le consulat. Le président turc a promis de sévères sanctions contre les politiciens néerlandais, leur interdisant à son tour de se rendre sur son sol, mais tolérant la présence de ressortissants néerlandais.

" Vous pouvez dire non une fois, deux fois, mais mon peuple finira par contrecarrer vos manigances. Vous pouvez annuler le vol de mon ministre des Affaires étrangères autant que vous voulez, mais vous allez voir comment vos avions vont être reçus en Turquie, désormais." Ne décolérant pas, le président turc s'est même affranchi du langage diplomatique, allant jusqu'à traiter, après l'avoir fait pour les Allemands, les autorités néerlandaises de " fascistes " héritiers des " vestiges du nazisme."

Réponse des autorités néerlandaises

Il y a 3 jours, le ministre néerlandais des Affaires étrangères avait prévenu les autorités turques qu'elles ne seraient pas reçues avec les honneurs, et avec les moyens déployés lors d'une visite diplomatique bilatérale, si elles se rendaient aux Pays-Bas pour mener une campagne politique auprès de la diaspora turque.

Hier, c'est le Premier ministre qui a dû s'exprimer, devant la montée des tensions, pour justifier le refoulement des deux ministres turcs. Il a évoqué le risque de troubles à l'ordre public, et a affirmé que les rassemblements pour augmenter les pouvoirs d'Erdogan ne le gênaient pas, mais qu'ils risquaient quand même de créer des tensions avec le reste de la société néerlandaise. Les autorités assurent avoir tenté de trouver des solutions de compris, comme une rencontre d'ordre privée des Turcs des Pays-Bas avec leur ministre, mais que ces solutions ont échoué et qu'elles n'avaient pas d'autre choix que d'annuler l'événement.