Il y a deux sortes de citoyens, nous dit le philosophe : celui qui vit sa vie en Algarve, et celui qui la subit ailleurs. "La faute à pas de chance" diront les victimes du cas numéro deux. Peut-être,.. Pourtant, depuis que l'humanité existe nous devrions avoir eu le temps d'éviter les erreurs et de ne pas s'en remettre qu'au destin. Car finalement notre destin nous le connaissons. Il se résume en deux phases: un début et une fin. Peu importe la durée, le temps qui s'écoulera entre les deux bornes indéracinables de cette tragédie: l'inéluctable viendra nous cueillir et souvent ne nous laissera même pas le temps de lire le générique de fin.

Alors autant bien vivre sa vie, vue que de toute manière elle sera toujours trop courte. L'Algarve, je ne devrais pas en parler. Je devrais taire ce mot, hanté par l'idée que cette vague invasive qu'elle connait viendra forcément bousculer le havre de paix que nous avons choisi depuis plus de vingt années. Car enfin oui, on est en droit de se dire que si des concitoyens s'implantent si tardivement en ce lieu, c'est qu'ils n'ont pas eu le courage et l'esprit de vivre leur vie en faisant ce choix bien plus tôt. Alors ils s'installent avec leurs grosses valises chargées de ces certitudes qui les rendent si déplaisants parfois, arrogants souvent, intéressants voir passionnants, plus rarement

Ils prennent une grande paire de gifles en s'apercevant que des humains n'ont pas attendus de voir placarder sur les murs du métro de belles photos du Portugal pour faire le choix de s'y installer.

Ils s'en veulent d'avoir tant tarder à se décider de sortir de leur train train lambinant et routinier, de ces existences comme plus personnes ne veut en vivre mais dont ils continuent malgré tout de vanter les "mérites" à leur descendance. Les français ont découvert (enfin) que le Portugal est un pays européen où il fait bon vivre.

"Sauve qui peut " ils arrivent...

Vendredi dernier, à l'improviste, se présentent à mon atelier trois femmes. Une que je connais, suisse, et qui a fait le choix du Portugal depuis plus de vingt ans. Deux autres, mère et fille, belges, artistes, selon elles...(je déteste les artistes qui n'ont rien d'autre à dire que de parler des grands maîtres et des marques de peintures qu'ils utilisent !).

La plus jeune serre la main comme un camionneur, (elle est pourtant taillée comme l'ombre d'elle-même, tout juste si son ombre n'envisagerait pas de la quitter par manque de matière...). La filiforme se penche sur mes toiles, renifle mes tubes et glousse deux ou trois phrases toutes faites. Mon répertoire pour classifier ce type d'individus est volontairement limité, mais explicite, et je ne peux ici en faire étalage: mon rédac chef serait contraint de gommer le passage ! Agacé par cette intrusion, la conversation prend vite un ton au travers duquel mon exaspération se dévoile rapidement. L'artiste belge m'annonce qu'elle s'était portée acquéreur d'une petite maison dans le village et "qu'elle a la prétention de dynamiser le secteur" !

Rien que ça !

Prière aux nouveaux venus

S'il vous plait mesdames et messieurs les nouveaux venus: ne prétendez pas changer notre lieu d'existence en vous imaginant que votre expérience de vie doive ici aussi s'appliquer. Si cette dite expérience avait été un réel succés dans votre vie antérieure, vous auriez fait comme nous: vous seriez venus vous installer au paradis bien plus tôt !