Avec Sarkozy et Hollande, la politique étrangère de la France au Moyen-Orient n’a pas toujours été très visible et très cohérente vis-à-vis des principaux acteurs-pays du Moyen-Orient comme l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Irak, la Syrie, le Qatar, les Emirats, le Liban et, si on va plus loin, Israël. Avant la folie meurtrière et mondiale de l’Etat islamique la Syrie était considérée comme un pays ami de la France. Nicolas Sarkozy avait invité Bachar Al Assad lors de la commémoration du 14 juillet afin de consolider son dialogue euro-méditerranéen.

Hollande a mis au ban des Nations civilisées la Syrie de Bachar car il estimait que la Syrie ne jouait pas le jeu pour un retour de la stabilité dans cette partie du Moyen-Orient. Bachar a été accusé de tous les maux car les forces démocratiques syriennes, qui ont instrumentalisé l’Occident et la France, ont voulu faire de Bachar le tyran qui a empêché la démocratisation de la Syrie.

Sarkozy et Hollande n’ont pas compris les subtilités de fonctionnement du Moyen-Orient compliqué

La diplomatie française, naïve, n’avait pas compris les enjeux au Moyen-Orient, elle s’est appuyée sur la parole du Président Obama qui n’était que du discours quand celui-ci mettait en avant l’intervention des Américains en cas d’utilisation des produits chimiques par Bachar sur ses populations.

Bachar l’a fait, Obama n’a pas bougé, Hollande et sa politique étrangère en Syrie s’est retrouvé démuni et en rase campagne. Il fallait donc isoler Bachar qui doit sa survie à l’implication de la Russie de Vladimir Poutine pour consolider sa sécurité. Le dossier iranien a été conduit par le monde occidental de façon collégiale en obligeant l’Iran à contenir ses velléités nucléaires.

La France a pu sauver la face. L’arrivée de Trump aux affaires, la mésentente entre Chiites iraniens et Sunnites saoudiens, la guerre au Yémen, l’existence de Daesh et sa disparition proche et l’embargo du Qatar par ses voisins modifient la géopolitique des territoires et les rapports de force au Moyen-Orient. Que dit Macron ?

Quelle est la stratégie de Macron au Moyen-Orient ?

L’inauguration du Louvre du désert aux Emirats Arabes Unis est un moyen pour le Président Macron de structurer le point de départ d’une politique étrangère au Moyen-Orient qu’il souhaite efficace, pragmatique et mélangeant les aspects économiques et les aspects civilisationnels dont la France est porteuse au nom des droits de l’homme. L’inauguration du Louvre aux Emirats est un moyen déguisé qui a permis au Président Macron d’insister sur les échanges entre les différentes religions monothéistes (Islam, Judaïsme, Christianisme) présentes en France. Sa sortie sur les religions en terre arabe est une façon nette de dire à certains Emirs de cette partie du monde que la France accepte le dialogue entre les religions mais pas la barbarie religieuse dont Daesh est le dépositaire.

Sur le plan économique, Macron montre que la France ne se contente pas de belles paroles et de discours pompeux sur le droit de vivre ensemble et les droits humains mais qu’elle insiste aussi sur l’économie et la nécessité pour les entreprises françaises d’être présentes au Moyen-Orient. Macron fait preuve d’un pragmatisme éclairé : on discute avec tout le monde, même avec Bachar, on ne campe pas dans un camp comme Hollande (le camp du refus) mais on ouvre la porte et on reste inflexible sur certains accords comme l’accord sur le nucléaire iranien que Trump veut remettre en cause. Macron se rendra en Arabie Saoudite pour discuter avec Mohammed Ben Salmane, jeune Prince héritier de 32 ans qui, par des méthodes brutales sous prétexte de lutter contre la corruption (emprisonnement de nombreux Princes et hommes d’affaires), veut se faire une place au soleil de la terre de l’Islam.

Sans préjuger de ce que Macron va dire au Prince héritier, on peut penser qu’il va insister sur la nécessité pour l’Arabie Saoudite et ses acolytes de relâcher l’embargo sur le Qatar et de rassurer le Prince vis-à-vis de l’Iran. Face à un Orient compliqué et face à un Macron méthodique et « en même temps », le voyage du Président de la République française en Arabie Saoudite inaugure une nouvelle page de la diplomatie française au Moyen-Orient. Daesh va être vaincu comme le dit le Président Macron, mais les problèmes subsistent: comment réconcilier les Etats qui se sont haïs à cause de l'existence de Daesh, comment permettre aux entreprises françaises d'être présentes au cours de la campagne de reconstruction de ces Etats, comment régler la participation de certains de nos compatriotes en Syrie et dans les territoires occupés par Daesh ? Macron a donné un début de réponse. Voilà les différents enjeux de la politique macronienne au Moyen-Orient.