C’est une décision qui relève de la compétence nationale. Mais les risques de blanchiment d’argent, de fraude fiscale et de corruption ont encouragé la Commission à se pencher sur une pratique préoccupante au sein de l'Union européenne. L’attribution de passeports et de visas « dorés » présenterait un danger pour la sécurité de l'Union européenne, car elle permet à "des personnes non-européennes du crime organisé d'intégrer le territoire européen", comme l'alerte l’exécutif européen dans son premier rapport sur le sujet des golden visas.

Comme le souligne le magazine The Atlantic, "sur les 28 États membres de l’UE, 20 pays vendent des permis de séjour à de riches expatriés […]. Ces États gagnent des milliards de dollars en vendant des permis de séjour permanents, et parfois même leur nationalité, à des super-riches".

Or, pour la Commission européenne, cette pratique menace la sécurité en facilitant le blanchiment d’argent et la corruption. "Il y a un manque d’informations disponibles sur la mise en œuvre pratique ainsi qu’une certaine discrétion sur la façon dont les Etats membres gèrent les questions de sécurité. De plus, le nombre total de permis de résidence n’est pas connu à cause d’un manque de transparence et de surveillance", s’inquiète la Commission.

De 100 000 à 5 millions d’euros pour un passeport

Une préoccupation partagée par de nombreuses ONG. Ainsi, pour Maira Martini, co-auteure pour Transparency International d’un rapport sur le sujet, le risque principal est qu’une personne poursuivie par la justice et recherchée dans un pays hors UE obtienne un passeport européen et compromette les procédures d’extradition.

Ou alors qu’il utilise sa nouvelle nationalité pour blanchir de l’argent volé à son pays d’origine.

D’après les estimations de Global Witness et Transparency International, 100 000 personnes, notamment des Russes et des Chinois, ont acheté un visa européen ces dix dernières années.

La Commission européenne s’inquiète particulièrement des pratiques constatées à Chypre, à Malte et en Bulgarie, trois pays qui vendent directement des passeports.

Dix-sept autres Etats membres, dont la France et le Royaume-Uni, permettent à des non-européens de se procurer des visas de résident, ce qui leur donne la possibilité de passer en Europe pendant presque 10 ans, contre paiement allant de 100 000 à 5 millions d’euros.

Dérégulation post-Brexit

Outre-Manche, le candidat à un permis de résidence doit garantir un investissement minimum de 2 millions de livres sur cinq ans dans des obligations d’État, des prêts ou des actions.

Le système des « Golden visas » y a été créé par John Major dans les années 1990 et amplifié par Gordon Brown en 2008.

Si le nombre de candidats a chuté depuis 2015, lorsque l’ouverture d’un compte bancaire britannique a été rendu obligatoire, les milliardaires hongkongais, russes ou encore chinois restent séduits par le dispositif. Plus de 3 000 personnes ont obtenu un Golden visa entre 2008 et 2015, selon l’enquête de Pierre de Gasquet pour Les Échos.

Or, si le gouvernement britannique avait mis le système sous surveillance en décembre, l’incertitude règne quant aux conséquences du Brexit et la "tendance à vouloir déréguler le système financier pour attirer des investissements à n’importe quel coût", comme le souligne Rachel Davies Teka, responsable de Transparency International UK.

Côté continental, la Commission craint surtout le développement d’une nouvelle forme de concurrence intra-européenne. Elle a ainsi décidé de mettre sur pied avant la fin de l’année un groupe de travail chargé de renforcer la transparence, la gouvernance et la sécurité de ces pratiques controversées.