Que répercutent les comptes et forums des Sarkozystes de base ? Deux choses. Un message «réinformatif» indiquant : «à partager sans modération… cette opération (…) a été organisée par les staffs des partis de gauche et les rédactions…». Le fac-similé d’une plainte d’un enseignant en mathématiques, en tant que contribuable, demandant au parquet «le remboursement des sommes perçues illégalement».
Il est aussi fait état du lancement d'une pétition en soutien à François Fillon. La grande majorité s’abstient de réagir nettement pour ou contre ou se tait, mais deux camps se dessinent plus qu’ils ne s’affrontent. Juppé ayant exclu de servir de roue de secours, Sarkozy préservant son mutisme, que faire ? Les chefs de file sarkozystes restent sur leurs réserves mais Wauquiez déclare à la presse régionale «ici, ce n’est pas Paris qui décide». Entendez qu’il se replie sur l’Auvergne-Rhône-Alpes qu’il préside. Ciotti ne peut se rétracter après ce «Fillon est un homme de vérité». Silence radio d’Estrosi qui vient de rétablir le tarif plein pour la desserte du stade Allianz Riviera à Nice… Repli général sur le local.
De toute façon, François Fillon n’est pas à l’avant-veille d’être mis en examen. Sa défense n’a guère convaincu (plutôt fait sourire, voir ma pochade en rubrique Opinions, Penelope pré-si-den-te, hypothèse farfelue si elle était conjointement mise en examen). Marianne a publié les deux notes de lecture de Penny Fillon dans La Revue des Deux Mondes, soit deux feuillets et demi pour 100 000 €, mais tout comme J.-P. El-Kabbach reste «conseiller médias» du groupe Lagardère, concurrent de son nouvel employeur, Europe 1, Penelope Fillon peut très bien avoir communiqué pendant 20 mois par pigeons voyageurs avec le propriétaire de la revue qui n’a pas gardé trace de ses innombrables notes. On peut compter sur leurs conseils pour obtenir tout le temps nécessaire pour réunir encore et encore de nouveaux justificatifs à communiquer au parquet.
Discrète partout
Pour The Telegraph, Penny Fillon affirmait ne presque plus jamais rentrer dans la Sarthe monter ses chevaux, se consacrant, à Paris, à l’éducation de son plus jeune fils, Arnaud, reprenant des études de littérature anglaise en télé-enseignement. Bref, elle s’est repliée à Paris dans l’intimité, fréquentant très peu le Palais-Bourbon, les deux autres attachés parlementaires venant très rarement à son domicile. Mais il se peut qu’elle justifiât des sommes perçues, réglées par les contribuables, en massant les tempes de son époux. Que rétorquer à cela ? Le PS se dépatouille avec les provisoires résultats «définitifs» de sa primaire dont la participation aurait pu être artificiellement (in-intentionnellement gonflée d’un peu plus de 4 000 voix) très légèrement «améliorée».
Pas de quoi fouetter un chaton, et mieux vaut laisser l’opinion se charger de communiquer, ironiquement ou véhémentement, sur l’affaire qui ne fait pas «pschitt» mais des salves de «pschitt». François Fillon a raté son intervention face à un pugnace Gilles Bouleau. Il se claquemure derrière collaborateurs et gardes du corps écartant micros et caméras. Le parquet a entamé ses auditions, exclu la prescription en évoquant le recel de fonds publics détournés et d’abus de biens sociaux, et le couple Fillon a désormais un plus lointain que trop proche «avenir judiciaire» (et même fiscal, car un emploi se déduit des charges patronales, de presse ou autre). François Fillon a inversé la courbe des opinions (de 54% favorables à 61 défavorables).
Marine Le Pen peut rester douillette près de sa cheminée. Au mieux, l'affaire est sans suite. Au moins pire, seul le volet Revue des Deux Mondes est retenu (F. Fillon n'est pas concerné). Au pire, prison avec sursis, amendes, fisc, selon mon hasardeux pronostic. Quand ? C'est presque subsidiaire, le mal est fait. Les Républicains tireront le boulet Fillon jusqu'au premier tour de la présidentielle. Après ? Sarkozystes et juppéistes négocieront.