François Fillon aurait pu s’abstenir de considérer que sa mise en examen et celle de son épouse pouvaient être envisageables. Gaffe vénielle, il a déclaré : «Lorsque j’étais sénateur, il m’est arrivé de rémunérer, pour des missions précises, deux de mes enfants qui étaient avocats, en raison de leurs compétences». Penelope Fillon est avocate, mais n’a jamais exercé, Marie et Charles Fillon sont avocats d’affaires, la première ayant prêté serment le 14 novembre 2007, Charles en juin 2011. François Fillon fut sénateur de la Sarthe de septembre 2005 à juin 2007.

Les études d’avocat durent, au mieux, cinq ans : quatre pour obtenir du premier coup la maîtrise en droit, une de formation en Capa (certificat d’aptitude). Puis c’est la prestation de serment et le stage. Soit donc que les deux étudiants en droit n’étaient pas tout à fait en fins d’études (troisième ou quatrième année de maîtrise à l’époque) lorsqu’ils ont été chargés de missions ‘’en raison de leurs compétences’’. De plus, la spécialisation se faisait à l’époque après l’obtention de la licence. Les deux étudiants n’étaient donc pas plus constitutionnalistes que spécialisés en droit administratif ou public. Qu’importe, ils étaient sans doute compétents… Même si, même si, la plupart des stages d’assistant parlementaires sont attribués à des titulaires de la licence de Sciences politiques ou d’une maîtrise (pas forcément en droit, ce peut être des urbanistes ou des géographes si, dans la circonscription, des projets majeurs sont lancés).

C’est accessoire. Ce qui l’est moins, c’est le montant des rémunérations et la nature des missions (rédiger des notes de lecture ? Comme dans le cas de Penelope Fillon à La Revue des Deux Mondes ?). Le champ du Penelopegate va-t-il s’étendre ?

Monsieur Frère, Monsieur Fils, et cetera

Sans oublier Mademoiselle Fille (qui exige davantage de signes pour un intertitre), car nous ne saurions sombrer dans la misogynie imputée par Monsieur Père au Canard enchaîné.

On a donc un François Fillon trop sûr de lui pour rassurer sa formation, LR, ses autres soutiens externes (voire étrangers), des milieux des affaires, de l’industrie, de la finance. Son grand oral est entaché de deux petites gaffes. Littéraire, François Fillon avait tenté d’abord une carrière de journaliste, obtenant des stages à l’Agence France Presse.

Il est titulaire d’un DÉA de droit public (mastère 2). La soutenance de mémoire de DÉA peut être ardue, mais ce n’est pas le grand oral de la rue Saint-Dominique ou de l’Éna. Ni les plaidoyers farfelus de la conférence des avocats. On ne sait comment Joël Le Theule l'a rémunéré en tant qu’attaché parlementaire et pourquoi : il fut surtout mobilisé localement pour la campagne législative de René Pailler (RPR) auquel François Fillon succédera. Il est fort possible que, par la suite, Marie Fillon ait pu aider son père à éviter que son livre, La France peut supporter la vérité, échappe à d’éventuelles accusations de plagiat. Elle était devenue parfaitement qualifiée. Il paraîtrait que, depuis le Penelopegate, divers députés et sénateurs aient remplacé des proches par d’autres attachés.

Toujours est-il que Le Canard, qui s’était penché déjà sur le cas de Monsieur Frère (Pierre, qui cumule les emplois), va poursuivre, creuser : l’un des trois auteurs de l’enquête l’a annoncé sur BFM. Le Canard a épluché toutes les archives de la presse sarthoise sur la période : Penny Fillon était, politiquement, inexistante jusqu’en 2014. Elle pouvait devenir maire ou adjointe, elle n’est que conseillère. L’image de droite a permis à son mari d’emporter la primaire. La TPE familiale (2F Conseil) reste aussi opaque. Petit coup de BFM : inviter un journaliste italien pour évoquer le Penelopegate. Toujours est-il que la droite ascendante de popularité de F. Fillon est devenue courbe descendante : 38 % de cote de confiance seulement. ''Mais à quoi donc l'homme du Mans songe ?'', s'interroge Éric Bédiez... (à suivre)