La chasse aux migrants africains dans les pays africains devient récurrente. Il n'y a pas longtemps qu'a eu lieu l’opération « Mbata ya bakolo » entre les deux Congo voisins. Ensuite, peu avant son élection présidentielle, le Gabon a donné l'impression d'opérer un nettoyage dans sa population par le rapatriement de plusieurs ressortissants Ouest-africains dans leurs pays d'origine. Dans les deux cas, il a été évoqué l'immigration clandestine des rapatriés. Enfin, en Afrique du Sud, la chasse aux Nigérians survenue entre 2015 et 2016 s'est corsée ces derniers jours où, on est allé jusqu'à parler de bastonnades de commerçants Nigérians, d'atteintes à leurs commerces et à leurs biens, et de disparitions.
Tout ceci fait froid dans le dos et mène à se poser des questions sur l'intégration africaine.
Les pays afro-subsahariens et le fantasme de l'immigration
On peut se demander si la peur de l'immigré en Afrique au sud du Sahara n'est pas un pur fantasme. En effet, sur un continent non relié par des réseaux routiers, à part peut-être l'Afrique de l'Ouest, un continent où, le voyage d'un pays à un autre ne se fait en général que par avion, alors que 99% de la population n'a pas même pas les moyens de s'acheter un billet d'avion, risque-t-on vraiment une Immigration massive ? Sommes-nous sérieux en le pensant ?
Et quand bien même ce serait le cas, nos pays entièrement ravagés par les pandémies et les famines, et, - où, l'espérance de vie est très courte, - n'ont-ils pas à travers les flux migratoires ; une belle occasion pour booster leur courbe démographique en perpétuelle décroissance ?
Face à la chasse aux migrants, la réalité qui s'impose durement est celle de la disparition de l'Afrique hospitalière au profit d'une nouvelle Afrique, elle, xénophobe. En effet, il n'y a pas si longtemps, l'étranger qui foulait de son pied le territoire d'un village africain avait droit à une femme, une habitation et des terres ; une façon de le retenir et l'empêcher de repartir chez lui !
Aujourd'hui, cette époque paraît déjà si lointaine, et cet éloignement de nos traditions ancestrales pose la question même de l'intégration africaine, car, au 21ème siècle, en pleine mondialisation et en plein développement d'organisations régionales et sous-régionales, qu'en Afrique, on en soit encore à la chasse de migrants, venants de pays frères est tout simplement hallucinant.
Tout se passe comme si notre continent avait délibérément choisi de ne pas suivre la dynamique mondiale, et comme si elle vivait sur une autre planète. Mais, qui l'aurait cru ? L'Afrique peut éprouver des difficultés dans d'autres domaines mais pas dans celui-là. En effet, l'hospitalité fait partie de son essence même. Remise en cause, c'est l'intégration même qui devient problématique.
Une remise en cause de l'intégration africaine
Imaginons une seule fois, un pays membre de l'Union Européenne en train de rapatrier les ressortissants d'un autre pays membre dans leur pays d'origine. A fortiori, un pays membre de l'Union Européenne en train de persécuter les citoyens d'un pays tiers de l'Union Européenne !
L'indignation et la condamnation qui en découleraient seraient unanimes et sans appel. Le pays à l'origine des manquements à ses obligations de respect du Droit de l'Union aurait reçu un blâme de l'Union, assorti de sanctions !
Or, que constate-on dans le cas de l'Afrique ? On constate à nos dépens que l'Union africaine reste molle, qu'elle manque de rigueur envers tous les pays fautifs en matière d'intégration. Et si l'Union africaine reste molle, c'est qu'elle ne dispose pas de moyens de coercition pour empêcher ces événements qui entravent l'intégration de notre continent. Et si elle manque de moyens de coercition, c'est parce que les pays membres ne lui en ont pas donnés. Et si les pays membres ne lui ont pas donné de moyens de coercition pour réprimer la chasse aux migrants, c'est tout simplement parce que l'intégration véritable n'est apparemment pas la priorité des pays africains.