Vraisemblablement, la gauche fera au maximum 38% des voix à la présidentielle, si elle est unie. Face à ce constat, elle semble perdue puisqu'elle est morcelée, en particulier à cause du quinquennat Hollande. Mais ses représentants ne se résignent pas, et envisagent une victoire de projet face à la droite dure incarnée par François Fillon et l'extrême droite incarnée par Marine Le Pen. Chacun, à sa manière, théorise ainsi le rassemblement de la gauche (ou plutôt vaut-il mieux parler " des " gauches) derrière lui. Cependant, nous sommes dans l'ère de la guerre des egos, et ces nombreuses gauches qui s'apprêtent à s'affronter semblent bien irréconciliables, d'un certain point de vue.

"Je ferai le rassemblement de la gauche... derrière moi ! "

Les forces politiques les plus puissantes de la gauche sont au nombre de 3 : Europe Ecologie Les Verts (EELV), La France Insoumise (φ) et le Parti Socialiste (PS). Les partis tels que Lutte Ouvrière, le Nouveau Parti Anticapitaliste ou le Parti Communiste ont leur importance également, mais ils ne comptent pas parmi les mouvements majeurs de la gauche aux élections. Les représentants des trois partis en question, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon ont diverses réactions devant l'idée d'une union de la gauche, mais une prévaut : " Je ferai le rassemblement de la gauche... derrière moi ! " Yannick Jadot, d'abord, est réticent à engager des pourparlers avec Jean-Luc Mélenchon parce qu'il ne le suit pas sur bien des points, en particulier sur la question de la politique internationale et des liens à entretenir avec les Russes.

Il reconnaît que Benoît Hamon est le plus écolo-compatible des candidats de la gauche, et se félicite donc de sa récente victoire à la primaire. Cependant, cela ne signifie pas pour autant qu'ils partagent tout, et le représentant d'ELLV est contre toute logique d'appareil qui l'amènerait à se retirer au profit d'une autre liste.

Il a rencontré le député des Yvelines, mais cela n'a pas suffi à le décider. Pour l'instant, il l'assure : " Il y aura un bulletin Jadot à la présidentielle."

Pour Benoît Hamon, c'est différent. Il est le premier à avoir demandé le rassemblement de la gauche, et est ouvert à toutes les négociations avec la gauche de la gauche comme avec la droite de la gauche.

De ce fait, il semble devoir faire un grand écart improbable pour désormais satisfaire les fanatiques du gouvernement, sociaux-libéraux, en même temps que les exigences radicales de La France Insoumise. Or, justement, et les sociaux-libéraux et Jean-Luc Mélenchon posent comme préalable à toute discussion que ce sera soit l'un, soit l'autre. Si l'ancien frondeur veut pouvoir discuter d'un rapprochement avec les insoumis, il lui faudra rompre les relations diplomatiques avec le gouvernement Hollande pour former une majorité gouvernementale stable, composée d'une gauche qui s'assume. De même, s'il veut avoir le soutien, dans cette course, de la sociale-démocratie hollandaise, alors il devra assumer le bilan du quinquennat, en être fier, et rompre avec ce que les nouveaux frondeurs appellent l'extrême gauche.

Jean-Luc Mélenchon, lui, est embarrassé par ses inimitiés avec Yannick Jadot. Il n'a en effet pas caché qu'il aurait préféré que ce soit son amie Michèle Rivasi qui remporte la primaire d'ELLV. Il la connaît de longue date, et il a partagé de nombreux combats avec elle quand elle était sénatrice PS. Yannick Jadot, lui, n'a de cesse de critiquer l'opportunisme du candidat insoumis et une prétendue entente avec Vladimir Poutine. En revanche, il est sensible à bien des mesures proposées par Benoît Hamon, et n'hésite pas à dire que leurs programmes respectifs ont des points en commun. Le soir de la primaire, il s'était félicité de son élection, arguant que c'était en chantant des paroles proches des siennes qu'il l'avait emporté. Par contre, il le met en garde de défendre le bilan du gouvernement, qui relève de l'ancien monde qu'il souhaite dépasser. Le projet se complique.