C'était une fête du Travail comme une autre, dans une France ou le charme des élections s'est évanoui depuis longtemps déjà. Tandis que le menhir breton rendait le traditionnel hommage à Jeanne d'Arc sous la statue du VIIIe arrondissement de Paris, l'héritière préférait l'ambiance nettement moins connotée du palais des expositions de Villepinte. Quoi qu'on en dise, la droite nationale ne change pas ses habitudes : une foule, un podium, un symbole, et un Le Pen derrière le micro.

Pour le père Le Pen, le résultat fut mitigé.

Et Marine bien soulagée. Pas de tirade malheureuse sur l’holocauste ou les étrangers, juste un spectacle gênant. Entre le vent faisant envoler les feuilles du discours, la panne du micro de vingt minutes, et la voix tremblotante du patriarche de l’extrême droite, l’allocution avait quelque chose d’anecdotique. Une somme de faits qui nous font dire que la France a assisté à l’une des dernières représentations d’un vieux monstre de la politique, devenu encombrant et embarrassant. Y compris pour sa propre fille.

De son côté Marine Le Pen faisait le job.

Pas de grandes annonces de la part de la Marianne des nationalistes, mais quelques piques bien places. Qualifiant les politiques ayant rejoint Emmanuel Macron de "has been", ou encore les médias de "chiens de berger du troupeau électoral" Marine Le Pen a gardé sa pugnacité et son sens de la formule. On notera aussi les nombreux mots de sympathie adressés à Nicolas Dupont-Aignan, son tout nouvel allié.

D'ailleurs, depuis l'alliance (pas si) surprise avec NDA, désormais assuré de se voir à Matignon en cas de victoire du camp FN, les discours se font en duo. Du moins, l'ex-candidat de Debout la France fait office de chauffeur de salle.

Si la candidate du Rassemblement Bleu Marine semble toujours vouloir rallier le vote insoumis, son rapprochement avec une telle figure du conservatisme lui procure un ancrage de plus à droite.

Pas de quoi plaire aux 19.6% d'électeurs de Jean-Luc Mélenchon, mais de quoi ouvrir une porte à Macron

Campagne de symbole, à défaut d'idées

C'est d'ailleurs de "Mélenchonien" qu'aurait pu être qualifiée de visite de Macron de ce 1er Mai. Comme son rival néolibéral, le champion de la France Insoumise est venu commémorer la mort de de Brahim Bouarram, ce jeune Marocain de 29 ans assassiné en marge d'un défilé du Front National en 1995. "Méluche" restera un long moment, le temps de moucher (comme à son habitude) les journalistes et de verser une larme en entendant les "merci" de certains manifestants.

Alors que la France dite "patriote" s'amassait sous les vieilles statues, aussi bien dans le 8e qu'à Villepinte, le reste de la France marchait et commémorait un peu partout dans le pays.

Macron, pour sa part, continuait sa tournée de l'angoisse.

Après Ouradou-sur-Glane (Haute-Vienne) vendredi 28 avril, théâtre d'un massacre commis par les SS, et le mémorial de la Shoah dimanche 30 avril, Macron continue une campagne de second tour très commémorative. Un brin démago, cette approche stratégique sent fortement le formol. Au lieu de dérouler comme son adversaire, attaquer sur le programme et le projet, le candidat d'En Marche! se contente d'agiter le drapeau de l'anti-extrémisme raciste. Un geste noble, certes, mais qui convient plus à un militant qu'à un candidat à l'Elysée. Pas sûr que ce soit la meilleure manière de capter les voix les plus réfractaires au Macronisme.