Le passage du vieux monde au nouveau a permis à Macron, sur son équation personnelle, d’être élu Président de la République et d’avoir une majorité pléthorique de 313 députés à l’Assemblée nationale. La plupart des députés élus sont novices et on a pu le constater au moment de la rentrée parlementaire. Ce n’est pas un problème car l’apprentissage est la mère de tout savoir et de toute connaissance. Le problème est ailleurs et cela peut être un danger pour le Président Macron. La majorité présidentielle ne peut être une majorité godillot, sinon on retombera dans le vieux monde, tant décrié par Macron lui-même.
Ici ou là il y a des états d’âme qui émanent de certains députés LREM qui, sous anonymat (et le phénomène est naissant), se plaignent de ne pas être assez entendus. Certains disent, sous le sceau du secret, que leurs amendements sur l’ISF ou la CSG n’ont pas été retenus ou entendus et ils ont l’impression que le gouvernement prend les décisions, ce qui est un peu la vérité, et que, eux, doivent voter comme un seul homme, sans rien dire.
Pour le Président Macron, il y a un danger de situation face à ce groupe majoritaire hétéroclite. La plupart des élus doivent leur élection à Macron, c’est vrai, mais cela ne doit pas confiner à une culture de la docilité et du « oui-oui » permanent. D'autres députés LREM sont issus du vieux monde PS ou LR.
Certains députés LREM souhaiteraient avoir un espace d’existence et d’expression plus étendu
Dans un groupe majoritaire, il y a une contradiction forte : être élu en fonction d’une étiquette et vouloir s’en affranchir sans parler de fronde. On constate que certains députés, ceux qui ont de la bouteille et qui viennent des partis traditionnels LR de droite ou de gauche PS, aimeraient être entendus un peu plus par l’exécutif.
La prise de parole des députés LREM en commissions est importante, mais ceux des députés qui s'expriment, estiment que leurs amendements ne sont pas toujours retenus en séances.
Pour l’instant Macron surfe sur un nuage, en partie à cause de la dégénérescence des partis traditionnels que sont le PS et LR. Ces partis sont en train de se reconstruire et Macron doit s’attendre à avoir une résistance plus forte et plus marquée par les députés de l’opposition.
Les députés macronistes iront-ils jusqu'à constituer des groupes de constatation au sein de l'Assemblée ou bien accepteront-ils de se taire pour préserver leur mandat et leur poste ? La vie humaine est ainsi marquée de lâcheté, de soumission et de rabaissement de soi pour espérer exister. Le courage est une donnée rare qui n'est reconnu qu'à des hommes et des femmes intègres et verticaux. Les autres sont couchés, ce n'est pas un jugement mais un constat de la vie humaine saumâtre et des petits arrangements auxquels elle nous oblige.
Le Président Macron doit arbitrer intelligemment entre une majorité godillot et une majorité responsable
Le concept de majorité godillot n’est pas insultant. Il traduit simplement l’effet du nombre et l’expression d’un immobilisme qui obligeraient les députés à voter comme une seule personne.
En revanche, l’existence d’une majorité responsable permettrait à l’Assemblée Nationale d’avoir un regard critique et constructif sur les décisions ou projets de lois prises par le gouvernement. Cette majorité responsable LREM doit être un relais sur le terrain pour le Premier Ministre car le gouvernement d’Edouard Philippe compte un certain nombre de ministres qui n’ont pas été confrontés au suffrage universel.
La majorité LREM doit éviter le délitement lié à la nouveauté et à un groupe pléthorique. Ces deux caractéristiques auraient pour effet de tétaniser les députés plus combatifs et plus compétents dans leurs missions respectives. L’élection attendue de Castaner à la tête du groupe majoritaire en tant que délégué général, la présence omnipotente de Ferrand à la tête du groupe majoritaire à l’Assemblée, ne doivent pas se traduire par la caporalisation des troupes à l’Assemblée nationale.
La caporalisation n’est pas une bonne chose car elle tue le débat et favorise l’émergence de groupes et de gestions individuelles de carrière par les députés. En attendant la révision constitutionnelle annoncée par Macron et qui se traduirait par une diminution des parlementaires, le groupe majoritaire à l’Assemblée doit être plus efficace pour accompagner le travail gouvernemental. Oui, mais encore faut-il que ce groupe majoritaire ne se comporte pas en groupe godillot et que l’élection du délégué général s’accompagne d’une transformation radicale des méthodes de travail et d’expression des députés LREM à l'Assemblée Nationale.