Le rayonnement de l'Organisation de la Francophonie ne fait pas de doute. Il est de dimension planétaire. Ainsi, est-il donné de constater que plus les années passent, plus le nombre de locuteurs de français s'amplifie. A ce sujet, selon les statistiques issus d'un rapport de l’Observatoire de la langue française publié en 2014, l'on estime à 274 millions, le nombre de locuteurs de français présents sur les cinq continents. Un tel élargissement n'est pas sans inspirer des ambitions à La Francophonie. D'où, on entend parler de «Francophonie des peuples» ou encore de «Francophonie et Diversité culturelle».

Ces deux ambitions ne sont pas de vaines expressions. Mieux, elles ne sont pas sans intérêt, elles méritent réflexions et analyses.

Une Francophonie des peuples

Sous cette formulation «Francophonie des peuples» se cache une réelle attente, une grande aspiration venant des peuples francophones appelant à une plus grande attention de l'Institution de la Francophonie sur le sort de ses peuples. Cette aspiration est d'autant plus importante que ce sont les peuples qui donnent de la contenance numérique à la Francophonie, lui garantissant ainsi son rayonnement planétaire. Ne rien faire pour les peuples, c'est courir le risque d'une démobilisation, d'un désintérêt venant de ceux-là même qui incarnent la quintessence de la francophonie.

Que faire pour les peuples francophones ?

Améliorer leurs conditions de vie en bonifiant leurs conditions sociales. Cela passe par des politiques qui privilégient l'éducation, la santé, l'emploi, l'épanouissement, la protection des droits fondamentaux, la promotion des droits de l'homme. C'est bien ce qui figure dans les grandes missions de la francophonie à savoir : Promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique ; Promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’Homme ; Appuyer l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche et Développer la coopération au service du développement durable.

Il s'agit maintenant de les mettre en pratique.

Cependant, une Francophonie des peuples, c'est aussi une Francophonie qui sache être réelle tout en étant institutionnelle. Cela veut dire qu'il ne devrait pas exister une primauté absolue des institutions bureaucratiques sur les ONG et les associations humanitaires qui travaillent sur le terrain, lesquelles sont plus proches des réalités francophones.

En effet, la bureaucratie accomplit des actes de gestion, c'est-à-dire, des actes d'administration. A ce titre, elle n'est pas forcément en contact avec la réalité. A l'opposé, les ONG et les associations caritatives sont des acteurs de terrains qui côtoient le réel au quotidien. Il convient donc de les pourvoir de moyens conséquents pour les rendre opérationnelles et efficaces. Cela passe d'abord par la reconnaissance de leur utilité. Et reconnaître leur utilité revient à la consacrer par la création d'un organe autonome, en charge de l'économie sociale et solidaire dans la francophonie. Or, au moment où nous écrivons ces lignes, un tel organe n'existe pas parmi ceux qui composent la Francophonie institutionnelle à savoir : le Sommet des chefs d’État et de gouvernement, la Secrétaire générale de la Francophonie, l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF).

Autant dire qu'un organe responsable de l'économie sociale et solidaire est absolument à créer, pour espérer associer concrètement les peuples à l'institution francophone. Ainsi en est-il de l'autre aspiration de la Francophonie qui est celle du respect de la diversité culturelle en son sein.

Une Francophonie respectueuse de la diversité culturelle ou un métissage culturel assumé

L'expression «la Francophonie et la diversité culturelle» est ambivalente. En effet, par cette expression «la Francophonie et la diversité culturelle», on peut sous-entendre deux choses : d'une part, la reconnaissance d'un métissage culturel incontestable, lequel est symbolisé par une multiplicité de cultures coexistant dans la francophonie.

D'autre part, l'expression «la Francophonie et la diversité culturelle» signifie l'hétérogénéité culturelle voire intellectuelle entre les citoyens, avec des disparités dans la population francophone ; et c'est ce dernier aspect qui pose problème. Pour cause, la francophonie qui brasse plusieurs peuples de différentes cultures et civilisations autour de la langue française est un réel outil de conciliation, de concorde, et de fraternisation. Ainsi, dans l'Organisation de la Francophonie, chaque peuple francophone arrive avec ses richesses culturelles, découvre celles des autres peuples amis, s'enrichit de l'expérience des autres qu'il enrichit, à son tour. Cette mixité sociale entre différents peuples de différentes cultures et civilisations entraîne un métissage culturel sans précédent grâce aux emprunts culturels concomitants.

Cependant, malgré l'importance d'un tel métissage culturel, il ne faudrait pas perdre de vue, le fait que le creuset de la francophonie, c'est la langue française.

Ainsi, sans cette langue française, la francophonie n'existerait pas et la Francophonie serait sans objet. De surcroît, une langue étant non seulement un outil de communication mais encore un véhicule de cultures et civilisations, les peuples qui la pratiquent ont l'obligation de la maîtriser ensemble pour garantir leur cohésion. Or, en ce qui concerne la francophonie, la prégnance de l’analphabétisme et de l'illettrisme persistants dans certains pays francophones causent de profonds déséquilibres culturels qui se transforment en Inégalités culturelles.

On est confronté à cette situation parce que l’accès à la culture est, et demeure inégalitaire dans la francophonie. La solution à cette situation devient difficile à trouver pour deux raisons. D'abord parce que l'inégalité culturelle est méconnue par la société qui reconnaît beaucoup plus facilement les inégalités économiques, les handicaps socio-culturels, les manques individuels, etc. Quant aux inégalités culturelles, elles sont majoritairement ignorées. La deuxième raison, c'est que dans les pays en développement et membres de la francophonie, plusieurs mécanismes outranciers de reproduction sociale sont devenus familiers. De ce fait, ils ne sont pas prohibés. C'est l'exemple des inégalités de genres caractérisées par la non-scolarisation des filles.

Autant de difficultés à résoudre, si l'on veut renforcer l'essor de la Francophonie. Résolution de difficultés qui ne peut se faire sans la réduction du degré d’inégalités culturelles dans la francophonie. Tout un programme !