Le Président Macron souhaite réformer la fonction publique et le Premier Ministre Edouard Philippe a annoncé un plan visant à réduire le nombre d’agents, à favoriser le départ volontaire, à insister sur la contractualisation des nouveaux fonctionnaires et à mettre en place un système qui valorise le mérite et l’efficacité. Le Président et le Premier Ministre sont dans leurs rôles politiques. Macron l’a dit pendant sa campagne électorale et le Premier Ministre veut le faire. Dépassons ces effets d’annonce et de la réforme qui doit aboutir à la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires dont 50 000 pour la fonction publique d’Etat et le reste des suppressions venant des fonctions publiques hospitalière et territoriale.

Voilà les éléments du débat de la réforme. La France, comme d’habitude, applique des méthodes d’organisation du travail comme le reschulding (suppression des échelons hiérarchiques) ou l’empowerment (donner du pouvoir aux individus et aux groupes d’individus dans la conduite des tâches). Ces modèles d’organisation venus des Etats Unis sont souvent appliqués tardivement en France au nom de la compétitivité. Les salariés du privé, malgré l’image d’adaptabilité qu’ils donnent, doivent prouver qu’ils sont plus efficaces que les acteurs de la sphère productive non marchande (administrations).

Les salariés du privé sont adaptables et flexibles par nécessité et non par choix

L’entreprise française, malgré son adaptation à l’environnement économique, reste traversée par des marqueurs forts.

Au-delà des start-ups au sein desquelles la direction demeure fondée sur un modèle d’horizontalité avec des initiatives fortes de la part des salariés, la plupart des entreprises françaises sont structurées par un commandement de type militaire, vertical, qui essaie de s’adapter en flexibilisant un peu plus les salariés par la recherche de plus de polyvalence.

Mais, dans les faits, les salariés du privé ne sont pas si libres qu’on le dit, ne font pas les choix stratégiques et l’économiste d’organisation, Mintzberg, a démontré comme Max Weber avant lui, que les salariés du privé adoptaient des modèles d’organisation bureaucratique. Certains responsables dans les entreprises françaises n’ont pas toujours d’affectation très précise.

Les critères d’évaluation des salariés demeurent l’entre-soi et le salarié qui souhaiterait prendre de l’initiative, est tout de suite recadré par son supérieur hiérarchique. Dans l'entreprise, on valorise plus la courtisanerie que la réelle efficacité. On ne sort du chemin établi que par autorisation car celui qui le fait déroge à une règle implicite, non écrite: on ne fait et on ne dit qu'avec l'autorisation du chef. Les tâches sont fixées par un cahier des charges mensuels ou trimestriel qui cadre et structure les tâches à accomplir. On peut se souvenir de l'opposition radicale opposant Carlos Ghosn PDG de Renault et son directeur général Carlos Tavarès, obligé de quitter Renault, devenu depuis PDG de PSA.

De nombreuses études ont montré que la France était abonnée aux anxiolytiques, surtout dans le monde du travail, par nécessité de résister aux injonctions du management. Des études économiques globales et homogènes (il faudrait faire des études secteur par secteur et on serait largement surpris du contraire) montre que la France est un pays productif. C’est dommage parce que la réalité est autre, la France a un déficit de 63 milliards d’euros au niveau de sa balance commerciale alors que l’Allemagne a un excédent de 250 milliards d’euros. Nous dévissons progressivement vers la 6ième place au plan mondial. Où sont nos spécialistes de l’organisation productive et où sont nos salariés du privé capables d’initiative et de travail efficace ?

Il faut réformer la fonction publique, mais avec des outils d’organisation contextualisés dans le cadre français

  1. Pourquoi 120 000 fonctionnaires et pas un nombre supérieur ou inférieur ?
  2. Comment s’effectueront les modalités de réformes dans les trois fonctions publiques (Etat, hôpital, territoire) ?
  3. Comment établir les critères d’autonomisation des organisations publiques ?
  4. Comment empêcher la courtisanerie des subordonnés vis à vis des chefs comme le voit souvent dans les entreprises privées ? L'efficacité est souvent laissée aux vestiaires.
  5. Comment réformer le statut des fonctionnaires tout en préservant les missions de fonction publique ?
  6. La transformation de l’Etat est indispensable encore faut-il préciser les politiques de reconversion, de mobilité, de rémunération des fonctionnaires.
  7. Comment profiler le statut hybride du nouveau et de l'ancien fonctionnaire ?