Le gouvernement a mal communiqué sur l’ouverture de la SNCF à la concurrence en insistant sur le statut des salariés de la SNCF. Cette mauvaise communication est en fait volontaire et vise à séparer la question de la SNCF des autres problématiques sociales, comme les revendications des EPHAD, des éboueurs et des étudiants; d’ailleurs le gouvernement a compris l’erreur et les membres de LREM envahissent les plateaux de télévision et les radios pour expliquer que le sac à dos social (régime de retraite, rémunération, statut) ne serait pas touché, quand certains salariés de la SNCF passeront à la concurrence.

La question de la mauvaise communication est mineure par rapport à celle, politique, qui est en train d’émerger et qui peut mettre en difficulté le gouvernement. Pour l’instant le Président Macron se tait, il estime que les 72% de Français qui souhaitent la réforme sont de son côté. Fort de cette légitimité, il va résister à la grève de la SNCF, même si la Ministre des transports Borne a mis beaucoup d’eau dans son vin en reculant sur la racine du mal de la grève, à avoir le statut des salariés de la SNCF,

Macron peut-il craindre les conséquences de cette grève sur le plan politique ?

L’espace politique en France contre Macron est représenté par les Insoumis de Mélenchon, l’extrême droite de Marine Le Pen, les LR de Wauquiez et une partie de la société civile qui n’a pas voté pour Macron.

Une grande partie des électeurs PS ont choisi Macron. Comment expliquer l’opposition quasi-famélique face à Macron? Cette opposition se coagule sur un point: la lutte contre les diktats du Président en matière d’ordonnances et la volonté de celui-ci de faire émerger un libéralisme systématique en France. La France, malgré sa transformation, reste malgré tout un pays dans lequel l’État providence (mal en point), l’intérêt général et la passion pour l’égalité demeurent des vecteurs importants.

La droite LR oppose des arguments faibles à Macron. Marine Le Pen ne souhaite pas la grève pour ne pas handicaper les usagers/clients de la SNCF, mais estime que la méthode utilisée par Macron est inacceptable politiquement. La France insoumise est contre la réforme, même si elle estime qu’il faut des inflexions. Le PS de Olivier Faure ne dit pas grand-chose car c’est sous Hollande que les modifications importantes concernant les débats sur l’ouverture du capital de la SNCF ont démarré.

A droite comme à gauche, on a toujours souhaité modifier l’organisation de la SNCF mais, par manque de courage politique, la plupart des gouvernements ont échoué (Chirac en 1995, Sarkozy a amorcé quelques réformes au cours de son mandat). Il y a une boulimie réformatrice chez le Président Macron. Doit-il accélérer ou ralentir les réformes ? Il pense que non.

Faut-il craindre une coagulation des mouvements sociaux?

La SNCF retient l’attention des Français mais d’autres mouvements sociaux sont en train d’émerger. A l’Université des mouvements de blocage apparaissent, les étudiants refusent les conséquences de parcours sup qui se traduisent par une désorganisation de la gestion des néo bacheliers.

Ces mêmes étudiants refusent, au nom de l’égalité, la sélection pour entrer à l’Université, une Université qui ploie sous l’absence des financements adéquats depuis les réformes entreprises par Valérie Pécresse quand elle fut en charge de l’Enseignement supérieur. Dans les EPHAD les sous-effectifs et le burn-out dont sont victimes les salariés constituent des signes de révolte éventuelle. Les éboueurs contestent aussi leurs conditions de travail et de rémunération et menacent de faire une grève durable. Tous ces mouvements sont-ils coagulables? A court-terme, la réponse est non et le Président Macron peut tranquillement dormir sur ses deux oreilles. Qu’en sera-t-il si la grève perlée de la SNCF dure?

Qu’en sera-t-il si une partie de l’opinion qui fait confiance à Macron se désolidarise de lui? La France n’a pas à craindre un mai 68 qui n’arrivera jamais en Mai 2018 car les idéologies sont mortes. La société française est devenue fortement individualiste et assez paradoxalement communautariste par certains aspects. Les conditions de coagulation des mouvements sociaux ne sont pas réunies, Néanmoins, le gouvernement devra traiter au fond la question de la dette de la SNCF avant son ouverture de capital. Voilà le véritable problème.