Les problèmes de la SNCF sont connus : endettement abyssal de plus de 40 milliards d’euros, réforme du statut des salariés, grèves intermittentes d’avril à juin, ouverture du rail à la concurrence européenne, modification à long terme du régime des retraites, introduction des méthodes managériales nouvelles, réduction du poids des syndicats dans la gestion des entreprises, respect des conditions européennes de la concurrence, mise en place des nouvelles méthodes de gestion de l’entreprise à l’anglo-saxonne, gestion des petites lignes par les départements ou les régions.
Nous sommes au cœur d’un changement de modèle de la gestion des entreprises publiques en France. Ce changement obéit aux injonctions des directives européennes qui mettent l’accent sur la concurrence. La France, fondatrice de l’Europe avec l'Allemagne, est obligée de suivre celle-ci qui, en 1994, a réussi à ouvrir la Deutsche-Bahn à la concurrence avec le succès que l’on connait. Il y a d’autres modèles de fonctionnement du rail : en Suisse il est public et fonctionne bien, en Suède il est privatisé et fonctionne correctement, en Grande-Bretagne, après une privatisation non réussie, son retour partiel dans le giron du secteur public donne des résultats satisfaisants. En France, le problème demeure car la population n’est pas contente des services rendus par la SNCF à cause des retards, mais reste malgré tout attachée au service public.
Un récent sondage montre que 51% de la population est d’accord pour la réforme et que 46-47% donne raison aux cheminots qui luttent pour que la SNCF reste dans le giron public. 72% de la population estime que le Président Macron ne doit pas céder. Nous sommes au cœur de l’injonction paradoxale à la française.
Ainsi va notre pays qui a du mal à mettre en place un modèle de gestion financière des entreprises publiques qui ne soit pas dominé par l’apport anglo-saxon qui privilégie le marché à l’intérêt général.
Nous sommes au cœur de l’inefficacité en matière de gestion des entreprises publiques par des hauts fonctionnaires énarques qui transposent sur les entreprises publiques ouvertes à la concurrence le modèle de gestion de l’administration. C’est vrai aujourd’hui de la SNCF, comme ce fut le cas pour Air France.
Bâtir une nouvelle SNCF sur un modèle dominé par l’efficacité et la rentabilité
En 1995, le bras de fer entre la SNCF et le gouvernement a été gagné par les cheminots. Qu’en sera-t-il en 2018 ? Le gouvernement a commencé à reculer en martelant qu’il ne s’agit pas d’une privatisation mais d’une ouverture du capital par la création d’une société anonyme à capitaux incessibles. Il ne s’agit plus de procéder par ordonnances mais par la loi grâce à un débat au parlement. La Ministre Borne en charge des transports décide que le sac à dos social des cheminots (régime de retraite, garantie pour l’emploi, rémunération) ne serait pas touché par les entreprises privées qui entreraient dans le capital de la SNCF.
De qui se moque-t-on, alors que dans le modèle économique du marché l’entreprise privée a le droit de modifier ses règles de fonctionnement et l’allocation de ses ressources ? Pour l’instant, Macron ne dit mot, pas plus que Edouard Philippe. Seul le Ministre Darmanin, en charge des comptes publics, ose parler au nom du gouvernement.
Quelles sont les positions du Gouvernement et des syndicats ?
Pour le Gouvernement la réforme de la SNCF est nécessaire et elle doit se faire rapidement. Cette réforme de la SNCF, si elle aboutit, sera le point de départ des réformes concernant l’ensemble du secteur public. En revanche, il ne dit mot sur la manière d'épurer la dette abyssale de la SNCF. Le Président Macron opte pour un modèle général qui tire ses racines de la logique américaine pour laquelle l’efficacité et la rentabilité permettront de désengager l’Etat de ses responsabilités en matière de subventions et autres dépenses de fonctionnement (rémunération, régime de retraite, protection sociale).
Macron poursuit d’abord un objectif économique et financier de réduction des déficits et d’endettement, selon les normes européennes de convergence et de bonne gestion.
Pour les syndicats, l’invention médiatique et concrète d’une grève intermittente laisse la porte ouverte à la négociation jusqu’au mois de juin. Pour Guillaume Pepy, la situation est inconfortable; il faut rechercher la productivité industrielle de la SNCF tout en décentralisant le dialogue social. Macron est confronté à sa première épreuve sociale.
Dans tous les cas, l’ouverture du capital SNCF à la concurrence est une réalité. L’entreprise va devenir une entreprise à capitaux incessibles mais qui, à long terme, pourra être privatisée sur le modèle suédois, quoiqu’en dise le Gouvernement.