La franc-maçonnerie est née en Ecosse au 17ième siècle. Elle a pris son envol au 18ième en se diffusant partout dans le monde. C'est un réseau de relations de sociabilité sélectives. Le recrutement des membres se fait par cooptation et une pratique rituelle ésotérique pour les non-profanes. En Afrique noire francophone, la franc-maçonnerie date des années 1900 au sein de deux loges au Congo-Brazzaville et au Gabon. Elle n’est donc pas un phénomène nouveau en Afrique. Avec les indépendances des pays de l’empire français, les grandes loges françaises (Grand Orient (GO), Grande Loge (GL)) se sont installées dans toutes les Afriques de l’ouest et du centre.

Ces loges africaines sont des relais des loges françaises. A leurs têtes, on trouve les Chefs d’Etat de l’ouest et du centre, de très hauts fonctionnaires, des ministres et des hommes d’affaires. Y appartenir à un haut niveau est le gage d’une carrière ministérielle ou d’homme d’affaire car, en tant que réseau, elle favorise d’abord ses membres. On y trouve une hiérarchie, des grades, des grands maîtres en passant par le maître, des surveillants principaux et les simples dignitaires. L’accès à la franc-maçonnerie en Afrique est le moyen d’accéder aux biens symboliques et matériels. Cependant, une question demeure : favorise-t-elle le développement économique ?

La franc-maçonnerie, moteur ou frein au développement ?

Au départ, la franc-maçonnerie rassemble des hommes (il existe maintenant des loges pour femmes), tous animés par l’idée de progrès social et de promotion de l’individu au nom de la vérité et de la raison. En Europe, une partie des maçons ont contribué à la promotion du siècle des Lumières dans les relations entre individus au nom de la lutte anticléricale.

En Afrique, elle poursuit des buts éminemment politiques et économiques pour les membres qui en sont les dignitaires. On s’aperçoit qu’en plus du fait clanico-tribal qui est un frein à la promotion des compétences diverses, le réseau de la franc-maçonnerie est un moyen de valorisation personnelle. Sous l’administration coloniale française, les sociétés françaises ont suivi une logique de développement d’une économie de rente.

Dans des pays comme le Gabon et le Congo, des sociétés concessionnaires, comme la CFAO (Compagnie française de l’Afrique occidentale) ou la SKN (Société Kouilou-Niari), ont développé cette logique de rente. Les compagnies françaises actuelles qui exploitent les minerais, le pétrole ou la forêt, n’échappent pas à cette logique avec la complicité des dignitaires africains membres du réseau qui délivrent des permis d’exploitation sans toujours vérifier les contreparties pour le développement et le progrès social de leur pays. Il ne faut pas s’étonner que les pays africains ne se développent jamais car, au nom des intérêts économiques individuels et mutuels dans les réseaux, les populations attendront en matière d’éducation, de santé, de formation professionnelle qualifiante et d’infrastructures.

La franc-maçonnerie rate son message des Lumières au profit d’un affairisme économique

On dit souvent que l’Afrique ne décolle pas car ni la démocratie, ni la bonne gouvernance, ni le respect des institutions ne sont en rendez-vous. Les Institutions internationales recommandent aux pays africains d’adopter un modèle démocratique. Paradoxalement, l’adoption de ce modèle démocratique et de la bonne gouvernance, constituent des moyens légaux pour le réseau et ses dignitaires de s’approprier un peu plus les richesses naturelles des pays au nom du contrat, des droits de propriété et de l’apport des savoirs et savoir-faire technologiques. Les affaires personnelles triomphent par rapport à l’intérêt général, les politiques d’endettement et de recours à des financements extérieurs sont valorisées pour mieux tenir les loges africaines.

C'est une vaste mascarade/escroquerie entre frères, les plus forts dominant les plus faibles. La gouvernance économique et celle des entreprises sont valorisées par la partie extérieure des loges africaines. Le réseau extérieur impose sa loi, la filiale africaine exécute. Pour détourner l’attention, le réseau extérieur développe des modèles de gouvernance politique fondés sur le bon climat des affaires, le respect de la gouvernance. L’ensemble de tous ces éléments du réseau sont mises en musique par la gouvernance politique locale dont la survie dépend de l'extérieur. Et si l’Afrique refusait le développement économique au nom de la promotion des intérêts particuliers des dignitaires de la franc-maçonnerie ?