L’Italie, l'un des 6 pays fondateurs de la communauté économique européenne en mars 1957, vient de nous proposer un modèle original de gouvernance politique. L’Europe se bâtit à partir des peuples, de leurs choix électoraux et non d’un discours sur l’idée européenne largement éloignée de la vie quotidienne des Italiens qui, malgré une économie florissante (deuxième industrie de l’Union européenne après l’Allemagne), affrontent depuis de nombreuses années les migrants venus du Moyen-Orient et d’Afrique. L’Italie a été abandonnée à son propre sort et, au nom de la théorie dite de Dublin, c’est le pays d’entrée des migrants qui doit apporter les réponses idoines à sa situation.

Or l’Italie, de par son exposition maritime, est le pays qui a le plus reçu les immigrés que n’importe quel autre pays de l’Union européenne, même si l’Allemagne, au nom de sa puissance économique et pour des raisons démographiques, a accueilli un million de personnes. Les démocrates européens crient au loup et à l’irresponsabilité des électeurs italiens qui voteraient avec leurs pieds. Rien de tel, la responsabilité incombe plutôt aux technocrates européens qui ont beaucoup de mal à mettre en musique une Europe politique, sociale et citoyenne appropriable par chaque électeur européen.

Les enjeux de la victoire d’une coalition considérée comme "impossible" en Italie et en Europe

La lega, dont l’ancêtre est la Ligue du Nord, dirige quatre ou cinq régions en Italie et dans de nombreuses villes on trouve des conseillers municipaux de cette organisation pilotée de main de maître par Matteo Salvini.

Le mouvement cinq étoiles de Beppe Grillo a pour dirigeant de référence un jeune homme de 31 ans, Luigi Di Maio. Les deux dirigeants (Lega et M5S) ont réussi à fabriquer un attelage considéré comme impossible car ces deux mouvements se situent aux extrêmes de l’échiquier politique, l’un à l’extrême droite et l’autre à l’extrême gauche.

Les deux partis sont d’accord sur un point : renvoyer 500 000 immigrés hors d’Italie. Le reste de leur programme est fondé sur des mesures complémentaires comme le versement d’un revenu universel, la baisse des impôts, l’augmentation des dépenses publiques, la baisse de l’âge à la retraite pour les femmes. Sur le plan de la symbolique, les deux partis sont considérés comme anti-système et donc contre les hommes et femmes politiques traditionnels et surtout contre les technocrates européens.

Sur le plan économique, les mesures concernant le revenu universel ou les pensions de retraite coûteront au bas mot plus de 50 milliards d’euros. Les nouveaux responsables italiens disent vouloir négocier avec la Banque centrale européenne. L’endettement italien est de l’ordre de 2300 milliards d’euros. C’est un endettement interne directement lié au placement des obligations d’Etat auprès du public italien. Cela explique peut-être en partie pourquoi les marchés financiers n’ont pas surréagi. Le poids de l’endettement par rapport au PIB est de l’ordre de 130%, mais les nouveaux maîtres de l’Italie rassurent, ils ne sortent pas de l’Union européenne, l’euro est toujours la monnaie de référence et les solutions de l’Italie actuelle doivent être trouvées à l’intérieur de l’espace de l’Union européenne.

Signification du dégagisme des partis traditionnels

L’Italie reste dans l’Union européenne, il n’est pas question d’en sortir. Néanmoins, la victoire des partis anti-système remet au goût du jour l’idée gaullienne d’une Europe fondée sur les Nations avec comme matrice la coopération intergouvernementale. Cette idée est battue en brèche en France par Emmanuel Macron qui souhaite que l’Allemagne l’accompagne dans la réalisation d’une Europe fondée sur la supranationalité aux dépends des Nations. Partout en Europe, on voit apparaître des résistances face à l’idée macronienne avec des attelages politiques surprenants, comme en Autriche. C’est aussi le cas en Hongrie, en Pologne, en République tchèque, pays dans lesquels l’idée de fédération à la Macron ne plait pas du tout.

Le dégagisme italien montre que le peuple italien croie de moins en moins à la sincérité de leurs hommes politiques et encore moins à celle des technocrates européens. L’Europe va devoir résoudre la question de l’immigration et le nouveau positionnement de l’Italie. Bruno Le Maire, ministre de l’économie française, a essayé de recadrer l’Italie en l’obligeant à respecter ses engagements. Il a été renvoyé à ses chères études par Matteo Salvini qui lui demande de s’occuper des affaires de la France. L’Union européenne a mis un pied à terre. Comment vont réagir les pro-européens comme Macron ?