Artistes peintres en mal de reconnaissance, amateurs éclairés qui se passionnent pour un hobby pendant leur temps libre, il y autant de formes d'aborder l'art qu'il y a d'artistes. La façon d'exercer cette activité est variable selon les compétences et les ambitions. Ce qui facilite l'émergence de cette diversité c'est la vulgarisation de l'art de peindre et la possibilité relativement récente d'acquérir à bas coûts tout un tas de fournitures. Il y a quelques années il fallait obligatoirement se rendre dans une boutique spécialisée pour trouver son bonheur et exercer sa passion à des prix relativement élevés.

Cet investissement non négligeable obligeait l'amateur à réfléchir à deux fois avant de se lancer dans la pratique de cet art. Aujourd'hui on trouve des fournitures de base dans toutes les grandes surfaces et de nouvelles vocations naissent au carrefour du rayon fruits et légumes et poissons. La démocratisation et la libéralisation de l'expression visuelle a fait le reste.

Picasso en puissance ou peintre du dimanche

Le besoin d'exprimer un ressenti, un sentiment, ne se fait plus par la parole, ou du moins cette voix douce qui susurrait à l'oreille de doux mots tend à être supplantée depuis l'avènement du téléphone portable. Aujourd'hui on étale son mal être ou ses bonheurs en grand sur les réseaux sociaux, sur les murs des villes, sur les wagons des trains, au cours d'expositions collectives.

On ne s'intéresse pas à savoir si le message vaut la peine d'être lu par le plus grand nombre, la petite santé individuelle et les petits bobos personnels du quotidien passant bien avant toute considération de pudeur ou de retenue. Cette profusion de messages colorés accroît la confusion dans un monde administratif déjà débordé par l'émergence de nouvelles formes artistiques.

Dans les années 80 et 90 les institutions ne s'adaptent pas à cette rapide mutation en cours. Alors qu'auparavant un artiste ne se serait pas risqué à exposer une oeuvre sans avoir acquis la certitude qu'elle valait la peine d'être présentée à un public, aujourd'hui la retenue n'est plus de mise. L'industrie des châssis entoilés est en pleine expansion.

Patience, réflexion et organisation

Les réactions sur les réseaux sociaux sont généreuses en commentaires élogieux. Lorsqu'un visiteur lambda, sur un groupe dédié à la peinture, exprime son admiration pour le travail d'un copain en utilisant des "fantastique", "merveilleux", "de toute beauté", on peut se demander ce que seront les mots utilisés pour qualifier le travail de grands maîtres comme Monet, Cézanne et consorts. Nombre de peintres amateurs se laissent séduire parce qu'ils interprètent comme un gage évident de qualité et se demandent pourquoi ils ne franchiraient pas le pas en devenant professionnels. La France ne fait pas vraiment figure de bon élève en matière de législation adaptée aux artistes.

Les démarches sont fastidieuses et le parcours est très mal fléché. Le pays n'a que peu de considération, il faut bien le dire, pour les artistes peintres et autres domaines d'expression d'ailleurs. Il n'existe pas de statut spécifique dédié aux artistes peintres, ce qui est dommage dans une nation si fière d'accueillir dans ses musées des millions de visiteurs. Le flou statutaire ne masque pas pour autant celui concernant l'exercice de la profession, objet de beaucoup de fantasmes et de fausses idées. L'artiste peintre professionnel n'est pas un homme isolé, reclus dans un atelier glauque. Il est entouré d'un agent, de conseillers, de mécènes, d'amis fidèles et surtout de proches qui le soutiennent.

Mais au delà d'un talent évidemment apprécié, le professionnel se démarque par une force de travail, une capacité à créer rapidement, et une propension à accepter le rapport conflictuel entre l'argent et l'art.

Ce que précise la loi

En France, pour démarrer sa carrière professionnelle, il faut réaliser sa première vente. On doit alors s'inscrire sur le site de l'Urssaf afin de se voir attribuer un numéro de Siret et un code APE. On établit une première facture pour cette vente et on la transmet à la MDA (Maison des artistes) pour obtenir son inscription et recevoir par courrier un numéro d'ordre. Ce processus est le plus conventionnel pour se tester en tant qu'artiste professionnel en France.

Si vous avez le bonheur de voir progresser favorablement votre activité, vous devrez revoir ce statut de base, notamment en ce qui concerne les dispositions à prendre vis à vis de la couverture sociale et le régime d'imposition, puis celui de la TVA. Dans un nombre de plus en plus important de pays, il est aujourd'hui obligatoire d'être artiste peintre professionnel pour exposer. Ce choix, que certains jugeront exagéré, est tout simplement décrété dans le but de protéger la profession, de préserver par cette sélection un degré de qualité dans les expositions et de pouvoir prétendre soutenir les actions culturelles plus efficacement grâce aux cotisations, impôts et taxes. En ce qui concerne plus directement les artistes, ces derniers sont alors assurés de rencontrer des collègues soumis aux mêmes règles qu'eux-mêmes et évoluant dans un milieu où la qualité des contacts est primordiale et ciblée. Quant au public, il est plus confiant lorsqu'il se présente en tant qu'acquéreur