Ces dernières décennies, le mouvement charismatique connaît un développement vertigineux avec la floraison d’églises partout dans le monde. En Afrique, le phénomène gagne du terrain. Des salles de cinémas sont transformées en lieux de cultes pentecôtistes. Dans les capitales et grandes villes, des domiciles privés sont transformés en lieux de prière avec la permission des chefs de familles. Cela va de l’habitat précaire jusqu’au plus cossue des résidences. De ce fait, à chaque coin de la rue, des panneaux en bordure des routes indiquent l’invitation à la prière, au baptême de l’esprit et à la guérison.
Dans cette effervescence religieuse, le nombre de prophètes et de prédicateurs a augmenté. Le ministère pastoral est devenu un rempart au chômage. La frénésie des vocations au saint ministère fait que les lieux de cultes charismatiques ne désemplissent pas. Dans un tel contexte, il n’est pas exagéré de parler de christianisme de masses car l’ampleur du phénomène le justifie. Depuis un moment, l’Europe, qui, jadis, avait véhiculé le christianisme dans les quatre coins du monde présentait quelques faiblesses et tiédeur dans son témoignage évangélique. Elle semblait gagnée par une léthargie spirituelle depuis son adhésion au rationalisme cartésien et au matérialisme marxiste. De ce fait, on la croyait hors-jeu dans le domaine religieux.
Certains sociologues ont même affirmé que désormais, en Europe, Dieu était relogé dans le sport, le cinéma, les voyages et biens d’autres loisirs.
Or, au 21éme siècle, l’Europe étonne ceux qui la croyaient retirée de la sphère religieuse. En effet, le christianisme pentecôtiste se propage à grande vitesse dans ses pays et ses villes.
Et, tout se passe comme si le vieux continent avait commencé à libérer des pratiques anciennes qu’elle dissimulait tranquillement dans l’inconscient. Même la raison cartésienne recule devant la pression charismatique. Du coup, en Europe aussi, les lieux de cultes quelque peu refroidis regagnent de la vigueur. Ainsi, comme en Afrique, en Amérique Latine, en Amérique du Nord et en Corée du Sud, dans les communautés évangéliques européennes, on chante et on loue Dieu dans un état extatique.
Cependant, ce qu’il faut retenir, c’est que, plus qu’un phénomène religieux banal, c’est plutôt une césure qui s’est faite au travers de la propension des mouvements évangéliques. En effet, on est passé de la théologie de la croix à la théologie de la gloire de Dieu. Et de ce fait, c’est le triomphe de la culture américaine qui est consacré.
Un abandon progressif de la théologie de la croix au profit de la théologie de la gloire de Dieu
La théologie de la Croix est une doctrine chrétienne qui prône la kénose, c’est-à-dire, l’abaissement, la modestie et l’humilité du chrétien. Cette doctrine est fondée sur la Noël et le Vendredi Saint. En effet, le soir de Noël, selon les écritures saintes, Jésus-Christ est né faible et pauvre, couché dans une mangeoire d’animaux.
Par la nativité, Jésus-Christ se présente dénué de toute opulence, dépouillé de toute gloire. Du coup, le chrétien doit ressembler à son seigneur Jésus en se dépouillant de toute abondance et de toute richesse matérielle.
Le Vendredi Saint, Jésus-Christ meurt cloué au bois, entre humiliations et souffrances de ses bourreaux. La Théologie de la Croix recommande alors au Chrétien qui se veut ainsi, d’accepter la souffrance et la misère dans l’âme, mais aussi dans le corps. Cette doctrine de la théologie de la Croix est surtout portée par le continent européen, elle est à l’origine du monachisme. En effet, pour les moines médiévaux, vivre dans le monde, c’est s’exposer aux plaisirs du monde et se laisser tenter par eux.
Dans le courant protestant du Christianisme, la théologie de la Croix est incarné par le courant réformé qui prône la pauvreté du culte et la sobriété liturgique : un temple moins décoré, un pasteur vêtu d’une robe noire. Pas de tenus d’apparat pour le Pasteur, et pas de lieux de cultes luxueux.
A l’opposé de la Théologie de la Croix, on a la Théologie de la Gloire de Dieu qui prône la prospérité. Cette doctrine est fondée sur les Rameaux et la Pâques. En effet, le jour des Rameaux, d’après les Saintes Écritures, Jésus monte sur un ânon, à la manière d’un roi, il se fait acclamer par la foule qui louent sa puissance et sa majesté. Par ailleurs, au matin de Pâques, Jésus-Christ sort victorieux de la tombe, et il monte en toute gloire au ciel où, des anges chantent éternellement son nom et ses louanges.
De ce fait, pour la Théologie de la Gloire de Dieu, le Chrétien doit ressembler à son Seigneur victorieux de la mort, et couronné roi au- dessus de tous les rois, régnant en haut dans les cieux, où, il a reçu un nom qui dépasse tous les noms. Cela revient pour le Chrétien à mener une vie opulente et à montrer une image de prospérité et réussite sociale. Les lieux de cultes doivent démontrer la puissance et la richesse de Dieu par leur luxe. Le Pasteur lui aussi doit vivre dans l’abondance, il doit rouler carrosse ! C’est ce qui explique le grand train de vie des pasteurs évangéliques. La théologie de la gloire de Dieu est d’origine nord-américaine.
Le triomphe sans précédent de la culture et du christianisme américains
Avec l’exposition des mouvements évangéliques dans les quatre coins du monde, c’est le libéralisme américain qui est promu. Ce libéralisme américain se concrétise dans les églises évangéliques, aussi bien dans sa dimension politique que dans sa dimension capitaliste.
Dans sa dimension politique, le libéralisme américain véhicule une démocratie religieuse qui affaiblit les églises traditionnelles qui se vident au profit de nouvelles communautés évangéliques. Les églises traditionnelles sont régulièrement sous le feu des mouvements évangéliques qui remettent an cause leur doctrine mais aussi leur spiritualité. On ne pourra pas contester une chose, c’est que, la multiplication des lieux de cultes parcellaires par les chrétiens évangéliques traduit un esprit démocratique ; mais en même temps, elle porte un coup sévère aux églises traditionnelles qui perdent de plus en plus de terrain.
Dans son versant capitaliste, le libéralisme américain qui touche le christianisme dans les quatre coins du monde engendre l’affairisme dans l’église. Désormais, chacun veut s’enrichir par son engagement dans l’église pour ressembler davantage à Jésus-Christ, son messie glorieux, triomphateur de la mort, assis sur le trône de Dieu dans les lieux célestes, pour un règne sans fin. Cela entraîne beaucoup de dérives au sein du peuple de Dieu et nombreux sont les croyants qui sont désarçonnés par la vénalité de leurs guides religieux.
On ne le dira jamais assez, avec la progression des églises évangéliques, c’est la culture américaine qui gagne du terrain, et c’est le christianisme de type américain qui prospère.
Adieu donc la Théologie de la Croix avec son austérité ! Vive la Théologie de la gloire de Dieu avec l’exubérance charismatique et l’exhibition des richesses qu’il véhicule !
Dans un prochain article, nous évoquerons le rôle de ces mouvements évangéliques dans la survioe du christianisme.