Les femmes retraitées pourront-elles projeter d’aller couler une retraite paisible en République de Côte d’ivoire ? La question reste pendante, et pour l’heure, elle n’a pas de réponse. En attendant, les gynécides ne se font pas attendre. En effet, en un an, le pays a connu deux cas d’assassinats suivis de viols et de vols dans la population féminine âgée. Stupeur, indignation, révolte et incompréhension se sont emparées de la nation entière.

Disons-le sans langue de bois. La Côte d’ivoire connaissait le vol à l’arrachée perpétré sur les Femmes.

Désormais, elle connaît un autre fléau, un phénomène sordide : l’assassinat, suivi de viol et de vols sur les femmes retraitées, mères, grands-mères et arrières-mères, à leur domicile. Le premier cas de cette forfaiture sans précédent avait surpris les populations du quartier chic de Cocody les Beaux Arts durant l’année 2017. D’après la presse qui en a fait l’écho, en plein jour, une septuagénaire avait reçu la visite d’un jeune homme du quartier qu’elle connaissait bien apparemment. Ce dernier était venu lui demander une très forte somme d’argent, qu’elle n’avait pas, et ne pouvait pas donner. Toutefois, la victime se surpassera pour remettre au visiteur indésirable, une somme d’argent disponible dans sa trésorerie, promettant de lui en donner davantage dans un futur proche.

Peine perdue, dialogue de sourd, puisque l’agresseur n’entendra pas raison. Jugeant infime la somme d’argent proposée par sa victime, le jeune homme abattra sans ménagement la septuagénaire. Une enquête rapide de la police arrive à mettre la main sur le bandit. Mis aux arrêts, il reconnaîtra sans hésitation les faits qui lui sont reprochés.

Le deuxième cas a eu lieu, durant ce mois mois d’octobre 2018, il y a à peine deux semaines de cela à Koumassi, un autre quartier d’Abidjan. Il concerne l’assassinat d’une octogénaire par son jeune voisin. De ce qui revient par voie de presse, ce jeune voisin qui a prémédité son acte, s’est introduit dans la résidence de sa victime en grimpant le mur de la clôture qui séparait la maison de la victime et celle de sa famille.

C’est dans la cour privée de sa victime qu’il passera toute la nuit guettant la moindre apparition, à la manière d’un prédateur. Au matin, il profitera du réveil de sa victime pour rentrer dans la maison de cette dernière, l’assommera avec une bouteille, la violera, fouillera sa chambre pour lui dérober la somme de 4600 euros selon ses propres dires. Au-delà de faits divers tragiques, ces deux crimes odieux et insoutenables sont révélateurs d’une société décadente.

Deux crimes odieux et insoutenables

Le caractère odieux et insoutenable de ces deux crimes se manifeste d’abord par la personnalité des auteurs, ensuite par la personnalité des victimes. S’agissant de la personnalité des auteurs, il s’agit de jeunes gens âgés d’une vingtaine d’années.

Des jeunes gens qui ont l’âge d’être à l’université, dans une grande école, ou alors en apprentissage professionnel. A cet âge, on déborde de vie et de rêve ; on voit la vie en rose. Couvert du voile de l’ignorance, on ne pense pas au mal, d’ailleurs à cet âge, le mal, on n’y croit pas vraiment. A 20 ans, on veut se retrouver avec les amis pour faire la fête. Comme par hasard, c’est ce que fait l’assassin du second fait divers survenu au quartier de Koumassi. Selon lui, dès le lendemain de son acte odieux, il s’est rendu avec des amis dans la station balnéaire de Grand-Bassam pour y dépenser le fruit de son vol. Rappelons-le avant de poursuivre, dans les deux cas, les auteurs des féminicides d’Abidjan avaient la vingtaine.

Et pourtant, ils ont commis l’irréparable qui fait d’eux de dangereux délinquants.

Quant aux victimes, d’abord, ce sont des femmes. Ce qui permet de classer ces deux faits divers tragiques au registre des violences faites aux femmes dont la liste ne fait que s’allonger dans une société africaine réputée pour son machisme indécrottable.

Ensuite, les victimes sont des retraitées. Dans une Afrique habituellement obséquieuse envers le troisième âge et respectueuse des personnes âgées, ces deux faits divers sont venus remettre en question des traditions multiséculaires.

Là où ces deux crimes heurtent la conscience humaine, c’est lorsqu’on pense au rôle dévolu des retraités dans toutes les sociétés et plus particulièrement dans la société africaine.

En général, une retraitée, un retraité, c’est une personne qui a donné le meilleur d’elle-même par le travail. Au soir de sa vie où ses forces l’abandonnent, il n’aspire qu’à une chose, vivre en paix et profiter au maximum. Et puis, à la retraite, chacun veut naturellement goûter au bonheur des choses simples. S’agissant de la femme retraitée, la retraite est une occasion pour profiter des enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfants. Et, pour ce qui concerne l’Afrique particulièrement, les retraités, après tout, ce sont les bénévoles qui vont se consacrer à la gestion des clans. De même, les retraités africains, ce sont les bibliothèques en charge de transmettre leur expérience, leur expertise aux jeunes générations.

C’est pour tout cela que l’assassinat de ces deux matriarches est odieux et insoutenable.

Un sacrilège expressif d’une société décadente

L’assassinat suivi de viol et de vol commis sur deux matriarches à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’ivoire est un indicateur d’une société en pleine décrépitude. Il s’agit d’une véritable déchéance qui traduit un pourrissement social profond. Premièrement, on peut directement remettre en question le rôle parental et familial dans l’éducation. La réalité qui prévaut permet de penser que les parents n’ont pas rempli convenablement leur devoir de transmission des valeurs et des repères de la société. A ce titre, ils sont condamnables et blâmables.

Deuxièmement, on ne doit pas oublier que les deux auteurs des gynécides d’Abidjan, avant d’appartenir à des familles, appartiennent aussi à la société ivoirienne.

En effet, ces deux jeunes criminels ont fréquenté les écoles, les collèges et sans doute aussi les lycées de la république.

Ensuite, les politiques nationales d’insertion sociale par la formation et l’emploi ont-elles été efficaces ? Dans la mise en œuvre de ces politiques nationales, a-t-on veillé à ce que cette jeunesse criminelle ne le soit pas ? Les mécanismes de protection de l’exclusion, de la marginalisation ont-ils été entièrement utilisés à l’égard de ces jeunes gens ?

En outre, qu’a fait la société ivoirienne envers sa jeunesse pour lui éviter l’ennui, l’oisiveté qui est mère de tous les vices ? Enfin, depuis le premier crime perpétré à la cité des Arts à Cocody, une politique de prévention a-t-elle été mise en place pour éviter que le macabre scénario ne se répète ?

Sinon, pourquoi ne l’avoir pas fait ? Et, si oui, pourquoi la tragédie de Cocody s’est répétée à Koumassi ? Autant de questions qui gardent toute leur teneur.

On le voit bien, le procès de ces deux jeunes criminels devient le procès d’une société qui a complètement déserté son rôle de protection de ses populations, mais aussi son rôle d’éducation de sa jeunesse. Il n’est pas trop tard pour bien faire.