Depuis l’opération française Serval en 2013, l’intervention de la Mission des Nations Unies au Mali et aujourd’hui l’opération Barkhane, le G5 Sahel, force africaine composée du Mali, du Burkina Faso, du Niger, de la Mauritanie et du Tchad, est incapable de relever les défis du combat militaire sur le terrain contre les djihadistes. Les Africains parlent beaucoup mais ils sont faibles politiquement et militairement à cause de leurs gouvernements qui font de leurs armées des milices soldatesques incapables de défendre les territoires et les populations.

La corruption au Mali, la réélection contestée de IBrahim Boubacar Keita sont des photos agrandies de ce qu’il se passe dans l’Afrique francophone et de l’incapacité des armées africaines à défendre le continent. En Afrique de l’ouest, la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) a une armée qui permet de rétablir la justice démocratique dans les Etats où les présidents souhaitent s’émanciper des valeurs démocratiques, comme en Gambie ou en Guinée Bissau, mais force est de constater que les forces militaires de la CEDEAO ne sont pas capables de résister face à un état islamiste organisé militairement et désorganisé au Moyen-Orient et qui veut se refaire la cerise en Afrique.

La France quasiment seule au Sahel

La France est quasiment seule en Afrique francophone et sahélienne. Il faut le reconnaître, quoique l’on dise de la France, que sans elle le Mali serait djihadiste aujourd’hui avec des conséquences catastrophiques pour le Niger, le Burkina-Faso et d’autres pays. On ne sait pas ce qu’il serait advenu de l’Afrique francophone si François Hollande n’avait pas pris la décision d’intervenir au Mali à la demande d’IBK.

Il y a eu plusieurs négociations entre la France, le Mali et les Touaregs. Le Président IBK n’a pas voulu jouer le jeu de la conférence d’Alger et préfère négocier avec les Touaregs au nom d’une « malitude » qui se voulait plus négro-africaine qu’arabe. Voilà un autre aspect de ce conflit qui n’est pas mis en avant mais qui demeure réel.

Les armes qui circulent auprès des djihadistes maliens viennent de Libye après le collapsus de l’état libyen et la mort de Kadhafi. La France défend ses intérêts en Afrique sahélienne, au Niger avec l’uranium, au Mali avec les mines de phosphate et dans l’ensemble de l’Afrique francophone avec les prérogatives et les avantages de la zone franc.

La plupart des intellectuels africains dénoncent l’attitude de la France en Afrique, c’est bien de le faire mais c’est un discours qui reste émotionnel et hors-sol car les rapports de force militaires, économiques et financiers sont en faveur de la France. Les intellectuels africains conseillers des Présidents et des Ministres africains sont incapables de conceptualiser, de décrire un monde géopolitique nouveau.

Le monde est devenu multipolaire, le facteur religieux doit être pris en compte au même titre que les facteurs traditionnels, comme l’économie et les matières premières. La stratégie militaire est au centre de cette nouvelle donne économique. Les intellectuels africains n’y réfléchissent pas suffisamment et ils sont donc fondamentalement incapables de conseiller les chefs d’État.

Les Africains doivent se mobiliser stratégiquement

Les treize militaires français morts doivent permettre aux Africains de penser à leur défense continentale. Chaque Etat étant incapable de constituer une armée concrète (carence de formation militaire face aux enjeux nouveaux, corruption, etc.), il faut dépasser le discours et agir pratiquement en créant des armées régionales.

L’Union africaine a déjà réfléchi sur ses questions. Il manque à cette organisation continentale une volonté réelle de passer de la théorie à l’action pratique. La mise en commun des moyens militaires permettra de créer des ensembles régionaux coordonnés capables de négocier l’achat des armes, des missiles, et la formation des militaires dans les pays occidentaux russes et asiatiques.

Il faut que les Africains se libèrent de cet atavisme phénotypal qui fait d’eux des consommateurs impénitents pour prendre en main leur propre destin en matière de défense stratégique. Ne pas le faire, c’est laisser la France continuer à exploiter à bas bruit les richesses naturelles (uranium, phosphate, or, pétrole, etc) au nom d’un parapluie stratégique. Il n’y a pas de véritable armée pour défendre les territoires, mais des milices politico-ethniques, à la solde du Président élu, incapables de se battre contre un ennemi extérieur.