On pensait qu’après les longues années de conflits politiques assorties d’une lutte armée, les femmes et hommes politiques de Côte d’Ivoire se laisseraient gagner par la sagesse. Les derniers événements prouvent bien le contraire. En effet, depuis quelques semaines, à Abidjan, le mercure est monté d’un cran, dans le bras de fer qui oppose l’opposition au pouvoir en place. Ainsi, à l’approche des fêtes de fin d’année 2019, dans le pays du président Félix Houphouët-Boigny, la peur s’empare des populations. Partout dans le pays, les questions fusent, les citoyens n’hésitant pas à se demander si ces politiciens aiment vraiment leur pays et leur peuple.

Chacun cherche à comprendre ce soudain regain de tensions politiques dans un pays qui a traversé une très longue crise. Mais, les populations ont beau avoir peur et exprimer leur incompréhension, les tensions ne font que s’exacerber au sein de la classe politique. De ce fait, on s’est mis à redouter une nouvelle crise. Et, les Ivoiriens, encore sous le choc des exactions graves de la crise de 2002-2011 craignent de nouveau pour leur sécurité, et pour leur vie.

Au fond, tout a commencé avec la mise en place d’une nouvelle Commission Électorale Indépendante décriée par l’opposition qui estimait qu’elle n’y était pas suffisamment représentée. Fondée sur ce motif, l’opposition avait commencé à distiller à tire-larigot ses propos incendiaires, avertissant l’opinion nationale et l’opinion internationale qu’une commission électorale non-consensuelle était synonyme d’une crise post-électorale.

Des pronostics fusaient alors dans les rangs de l’opposition politique, où plusieurs voix s’exprimaient pour dire qu’à coup sûr, l’élection présidentielle de 2020 serait un « remake » de celle de 2010 qui a débouché sur un affrontement armé, avec de nombreux morts et de nombreux déplacés de guerre. Cependant, ces dernières semaines, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase trouve ses racines dans les hostilités entre le parti politique Générations et Peuples Solidaires (GPS) de Guillaume Soro et son ancien allié le RHDP, parti au pouvoir.

En effet, à deux jours de la fête de Noël, les services secrets ivoiriens annoncent avoir éventré un coup d’état en préparation par le GPS de Guillaume Soro, lequel aurait visé le renversement du pouvoir RHDP. L’affaire était trop grave pour que le procureur de la République de Côte d’ivoire s’en saisisse. Ce dernier lance alors un mandat d’arrêt international contre le président du GPS, Guillaume Soro.

La tension est à son comble car les vieux démons sont de retour dans le pays. Les Ivoiriens ont donc commencé à revivre le choc traumatique de la crise de 2002-2011. Ils expriment leur réprobation.

Dans le pays, le choc traumatique de 2002-2011 est ravivé

La longue crise de 2002-2011 a causé aux Ivoiriens de graves traumatismes à cause des atteintes aux biens et aux personnes. S’agissant des atteintes aux biens, les Ivoiriens se souviennent de l’incendie des villages comme Guitrozon et Petit Duékoué, à l’Ouest de leur pays. Ils n’oublient pas la destruction de matériel agricole, des plantations et des produits agricoles. Le pillage des paysans, la mise à mort de leur bétail par des hommes en armes, le saccage des écoles et des maisons, ces spoliations de paysans comme des citadins de leurs biens… ...etc.

Et finalement, l’appauvrissement des populations du fait de cette crise stupide. Les Ivoiriens ne veulent pas du tout revivre ces tristes événements qui ont sévèrement impacté l’outil de production au niveau national même. Et voilà pourquoi ils ne comprennent pas l’envenimement soudain du champs politique dans leur pays.

Concernant les atteintes à la personne durant la crise de 2002-2011, les Ivoiriennes et Ivoiriens se souviennent des nombreux morts dans l’armée nationale comme dans la population civile. Et, les milliers de morts de Duékoué pendant la crise post-électorale de 2011 hantent encore les esprits. Encore aujourd’hui, le pays regorge de veuves et veufs, d’orphelines et d’orphelins du fait de cette grave crise de 2002-2011.

Par dessus tout, les Ivoiriens ont encore en mémoire les viols sordides de femmes, l’éventrement de femmes enceintes, l’amputation de personnes tantôt de bras, tantôt de pieds…le jet de déchets toxiques au cœur d’Abidjan en pleine crise par la Probo Kaola, un bateau mystérieux qui a causé de nombreux morts en laissant une population très malade, très morbide. Tous ces déplacements de populations qui ont menacé certaines régions du pays de pénurie alimentaire ; les Ivoiriens les ont vécus douloureusement, et l’irresponsabilité actuelle de leur classe politique les rappelle à nouveau à leur mémoire.

Au moment où l’on assiste de nouveau à un bandage de muscle des politiciens ivoiriens, le peuple quant à lui pense aux nombreux exilés qui sont encore hors du pays, du fait de cette crise de 2002-2011, sans oublier les nombreux prisonniers de guerre croupissant encore en prison.

Si les Ivoiriens replongent de nouveau dans le souvenir de ces tragédies de 2002-2011, c’est qu’ils n’ont pas du tout envie de les revivre. Au niveau de la diaspora ivoirienne même, l’on se souvient que du fait de cette crise de 2002-2011, l’on s’est appauvri à force d’envoyer régulièrement de l’argent aux familles. A cause de cette crise, la diaspora a fini par découvrir que ses efforts dans l’accomplissement de travaux durs dans les pays occidentaux n’ont servi à faire aucune économie pour la retraite. En effet, plus la diaspora a travaillé, plus elle a gagné de l’argent, et plus elle a dû faire face aux nombreuses sollicitations de la famille ! Pour tout cela, la diaspora ivoirienne non plus, ne souhaite retourner à la case départ !

Or, c’est ce qu’elle redoute la mort dans l’âme, avec la résurgence des hostilités au sein de la classe politique ces dernières semaines.

Bref, les Ivoiriens toutes catégories sociales confondues savent surtout, qu’en cas de déflagration sociale, et comme toujours, ce sont les petites gens qui payeront les pots cassés. Elles, qui n’ont ni de moyens pour se payer un voyage dans un pays étranger, ni d’endroit pour aller se réfugier. D’où, tout le monde exprime sa réprobation face à l’atmosphère fébrile qui ne cesse de s’amplifier au sein de la classe politique depuis un moment.

Réprobation et condamnation unanimes

Avec la résurgence des hostilités au sein de la classe politique ivoirienne, le peuple, les victimes de la crise de 2002-2011et la diaspora ivoirienne réprouvent et condamnent.

Ensemble, et comme un seul homme, ils élèvent la voix pour protester contre leur classe politique apparemment insouciante. Ensemble, ils disent non, non et non à des pugilats, furent-ils langagiers, qui auraient pour conséquence, un nouveau conflit armé ! Et ça, ils ne le veulent pas. Et dans ce qui ressemble fort à une prévention des conflits, les hommes de Dieu apportent leur contribution. Ainsi, lors des célébrations de Noël et du Nouvel An, partout dans les lieux de culte, on a prié, mais surtout, dans les prédications, les hommes de Dieu ont lancé des appels à la raison à l’endroit des femmes et hommes politiques de Côte d’ivoire. Il leur a été demandé de mettre de l’eau dans leur vain.

Et, sans délai !

Parmi les hommes de Dieu qui ont demandé aux femmes et hommes politiques de Côte d’ivoire de se ressaisir, le Cardinal Kutwan. Le prélat a sagement demandé aux autorités ivoiriennes de libérer les militants du GPS incarcérés récemment pour tentative de coup d’état. Le disant, l’homme de Dieu le voit venir, et le redoute : une situation semblable à celle du Liberia voisin, avec des partisans de Guillaume SORO qui se lèvent, pour décréter un slogan guerrier du genre : « No Soro, no peace !»

En tout cas, malgré une mobilisation des Ivoiriens pour dire non à une nouvelle crise, ce qu’on a pu constater, c’est qu’en ce premier jour de l’an 2020, c’est la psychose qui s’empare du pays entier. Certains Ivoiriens auraient déjà quitté le pays. D’autres réfléchiraient à leur emboîter le pas.