La crise du COVID 19 permet au président Macron de mettre en évidence l’apport de la solidarité européenne. L'emprunt de 500 milliards sur les marchés financiers profite plus à la chancelière allemande Angela Merkel, qu’au président Macron. On a accusé l’Allemagne pour son manque de solidarité avec les autres pays européens pendant la crise du COVID 19 au nom de son orthodoxie budgétaire permanente.
La chancelière, en acceptant de constituer le duo franco-allemand pour lancer le plan d'endettement de 500 milliards d’euros sur les marchés financiers, démontre sa plasticité ainsi que sa capacité à revenir au centre du jeu européen occupé un certain temps par le président Macron.
Quelle est la signification de ce plan de relance de 500 milliards et comment permet-il de situer la place de l’Allemagne et de la France au sein de l’Union européenne à 27 pays ?
Les 4 domaines de référence bénéficiaires des 500 milliards d'euros au sein de l'UE
Les 500 milliards représentent un endettement auprès des marchés financiers. Cette dette, acceptée par la Commission européenne présidée par Madame Van Der Layan, doit faire l’objet d’un débat au parlement européen car des pays comme l’Autriche et les Pays-Bas refusent que le montant de celui-ci (500 milliards) fasse l’objet de dotations, c’est-à-dire de transfert budgétaire et non de prêts remboursables vers les pays atteints pas le COVID 19 et que le remboursement soit mutualisé par l’Union européenne, sans contrepartie des pays bénéficiaires.
On est là au cœur de la métaphore singulière qui divise l’Union européenne, entre ceux qui sont considérés comme plus vertueux, économes, appelés « fourmis » (pays du nord-Suède, Pays Bas, Allemagne, etc,-) et les cigales plus dépensières et consommatrices, membres du club Méditerranée, à savoir les pays du sud (France, Espagne, Italie).
Voici les quatre domaines:
1. Construction d’une Europe de la santé qui n’existe ni dans les traités de la CEE (Commission économique européenne, 1957), ni dans ceux de l’Union européenne (1993). Il s’agit de mutualiser la fabrication des masques, des tests sérologiques en prévision des épidémies futures.
2. Sur le plan budgétaire, levée des fonds de l’ordre de 500 milliards sur les marchés financiers avec un fléchage vers les secteurs et les régions économiquement les plus en difficulté à cause la pandémie du COVID 19.
Ce fonds de relance se fera sous forme de transfert en direction des différents pays et la clef de répartition sera discutée au sein de l’Union européenne.
3. Accélérer le Green Deal (pari vert) porté et voulu par la commission européenne grâce à l’approfondissement de la transition écologique et au développement de l’économie numérique,
4, Améliorer la souveraineté européenne en réduisant la dépendance de l’Union vis à vis de la fabrication des médicaments et grâce à une lutte importante contre les investissements étrangers qualifiés de prédateurs. Il ne s’agit pas de refermer l’Union européenne sur elle-même, mais d’accompagner sa politique industrielle d’une stratégie forte au sein de la mondialisation.
Merkel redore la place de l’Allemagne au sein de l’UE en tant que première puissance industrielle
Le plan de relance est, pour Macron, le moment de vérité pour montrer que la France seule ne peut avoir les moyens de lutter contre les déséquilibres économiques et sociaux après la COVID 19. Il construit progressivement son espace de réinvention de la politique en s’appuyant sur l’Union européenne comme clef de sortie de la crise économique . Pour le président Macron, il s’agit de montrer à la société française que la France sans l’Europe est une voiture sans carburant et que l’Europe sans la France est une voiture sans chauffeur, compte-tenu de la place et de l’histoire de la France dans la construction européenne en duo avec l’Allemagne.
Pour l’Allemagne, c’est une victoire totale de Madame Merkel qui montre que l’Allemagne n’est pas égoïste. Solidaire avec les autres pays européens, elle va profiter de la relocalisation des industries du médicament car l'Allemagne possède une industrie chimique et pharmaceutique et une infrastructure industrielle les plus importantes d’Europe. Les autres pays, au moment de la relocalisation, apparaîtront comme des sous-traitants de l’industrie allemande. Merkel pourra alors dire aux Français: "Vous voyez, on ne vous abandonne pas, l’Allemagne est solidaire de l’Europe au nom de la maxime Deutschland uber alles". Pendant ce temps, nous Français, contents et spécialistes du verbe, continuerons à disserter sur les bienfaits ou les inconvénients de l’Union européenne et de la mondialisation.