Cette semaine se tient le procès très attendu des attentats de 2015, dans lesquels une quinzaine de personnes est tombée sous les tirs des terroristes, dont une douzaine de journalistes de Charlie Hebdo. Qualifié par certains de « procès historique » et d’une ampleur inédite, ce procès tentera de clôturer 5 années de procédures et d’enquêtes visant à déterminer les responsabilités de ceux ayant de près ou de loin collaboré aux attaques.
La caricature, une tradition française ?
Depuis le Liban, le président de la République française, Emmanuel Macron, a réagi et a réaffirmé que « la liberté de blasphémer », exprimée par les nouvelles publications de caricatures du prophète Mahomet par Charlie Hebdo à la veille de l’ouverture du procès, constituait un droit fondamental attaché aux valeurs de la République.
La republication de ces caricatures par le journal satirique cette semaine est justifiée par Riss, le directeur de la publication du journal, comme « étant indispensable à l’ouverture du procès car cela faisait sens ». Une chose est sûre, c’est que la Une du journal a su avoir un écho à l’international puisque le Pakistan, par la plume de son ministre des affaires étrangères, condamne fermement « un tel acte délibéré visant à heurter les sentiments de milliards de musulmans ne peut être justifié comme un exercice de la liberté de la presse ou de la liberté d’expression ».
Mais est-ce que la caricature serait de tradition française ? Sur les antennes de France Culture, Guillaume Doizy, historien des caricatures, confirme qu’elle n’est pas de tradition française.
Et il rajoute que c’est à la Révolution Française que ce genre prend forme et se construit, permettant à des artistes et des journalistes de s’exercer à produire et diffuser des desseins particulièrement violents et virulents. L’objectif étant de susciter une réaction, la caricature permettrait de tourner au ridicule des personnalités ou des situations symboliquement respectées ou criantes.
En somme, une autre façon d’exercer la liberté d’expression, même si celle-ci pourrait heurter la sensibilité de tout à chacun.
Trop focalisé sur la caricature ?
Sous-entendre que la caricature serait le principal outil de la liberté d’expression, c’est mettre un voile sur un recul global de la liberté d’expression et de l’exercice d’informer des journalistes en France.
Ainsi, Reporter Sans Frontière constate une montée de la défiance et de la violence à l’égard des journalistes et classe la France en 34e position dans son classement annuel (2020).
Pour rappel, le tournant sécuritaire et l'offensive politique menée contre les Fakes News ne favorisent pas vraiment la libre opinion et ont tendance à envahir des espaces, qui autrefois permettaient moins d'autocensure. Par conséquent, la démocratie française pourrait encore reculer face la peur de perdre le contrôle.