Quand François Fillon attire 300 000 personnes (selon Bruno Retailleau, soit près de neuf fois plus que le réel "réduit" à 200 000 par le candidat) au Trocadéro et dit qu'on a tenté de faire croire au présumé suicide de Penelope Fillon, il ne s'agit pas d'une diffusion de fausse nouvelle. Car pour fausse qu'elle soit, la nouvelle n'a pas entraîné d'infractions, de bris de mobilier urbain (sauf accidentel éventuel), d'émeute. Il n'y a pas eu de "trouble de l'ordre public", donc, la nouvelle n'est pas "fausse" au sens juridique, procédurier du terme.

Quand Marine Le Pen se dit pratiquement calomniée par une justice "instrumentalisée" qui a pris son temps pour la mettre en examen (pour le moment, uniquement pour des faits débattables, c'est patent : la mise en ligne d'images d'atrocités de Daesh), elle n'est pas, pas plus que François Fillon, poursuivie pour outrages à magistrats. Car la jurisprudence en la matière a fortement évolué : on peut désormais (sous maintes réserves) contester "des" magistrats, mais pas l'institution en son ensemble. Exiger la révocation de juges "rouges" n'est pas mettre à pied toute la magistrature. Je caricature, et même j'outre, mais je doute fort que le parquet général de la cour de Cassation ait l'intention de me poursuivre pour diffusion de fausse nouvelle, outrage ou injure publique.

Mais quand Nicolas Miguet porte plainte pour injure publique contre Benoît Hamon, nul besoin d'enquête préliminaire, d'instruction. Car avec cette qualification, la mise en examen est immédiate, instantanée, et le débat sur le fond se résume à cela : le, les termes employés sont-ils ou non injurieux ?

Nicolas Miguet "escroc"

Les faits remontent à novembre 2015.

Benoît Hamon twitte "l'escroc Miguet roule pour Pécresse. Votez #AvecBarto". Soit ni pour Nicolas Miguet, président du Rassemblement des contribuables français, ni pour Valérie Pécresse, ni pour Dupont-Aignan, ni Wallerand de Saint-Just, mais pour Claude Bartolone (lequel lui en sait fort peu gré, il laisse supputer qu'il pourrait rejoindre Emmanuel Macron).

Dans la presse non-spécialisée juridique, cela vaudrait une brève, un entrefilet. L'avocate de Benoît Hamon pourrait plaider que son client sous-entendait "escroc intellectuel". Mais au contraire, elle veut plaider la requalification en diffamation, qui seule permettrait de rappeler les antécédents judiciaires de l'adversaire (banqueroute, faux en écriture, &c., en 1999 ; fraude à la TVA en 2007). Et là, elle pourrait même, dans ce cas, plaider la confusion : Benoît Hamon (comme l'affirme Bruno Retailleau au sujet du présumé suicide fictif de Penelope Fillon, sujet qu'un assistant aurait glissé à l'oreille de François Fillon) ne visait pas Nicolas Miguet, mais son frère, Philippe Miguet, métropolite syriaque orthodoxe, condamné en 2013 pour escroquerie.

On pourrait s'abstenir de ces détails si seuls le Front national et la fachosphère avaient monté en épingle ce différent insignifiant, pour dénoncer un prétendu "deux poids, deux mesures", une complaisance de la magistrature. C'est l'habituel, tellement classique, usé… Mais voilà que des partisans épars de François Fillon ont embrayé, ce, on veut le croire, sans consigne particulière, juste par naïveté, mimétisme ? Ou crédulité puisque l'ex-député UMP-LR Jérôme Rivière, passé au FN, a twitté "pas de flash info, ni émotion, ni colère de la presse… ah, oui, il est candidat du système #Hamon" (entendez des complices Hamon, Mélenchon, Macron, ou de tout candidat dont le nom ne finit pas en "pen").

Que dirait-on si on twittait : "François Fillon encourage ses partisans à dénoncer la différence médiatique, &c." ? Le ridicule ne tuera pas François ou son assistante Penelope, mais ils n'en sont pas déjà arrivés là. Nicolas Miguet est candidat à la présidentielle (quatre parrainages). En 2007, il fut mis en examen pour "détournement de parrainage". Cela valait un feuillet, pas davantage. Quant au "silence radio" des médias sur l'affaire Miguet-Hamon, vérifiez !