Dans une interview au Journal du dimanche, Bernard Tapie a évoqué l'existence d'un " cabinet noir " à l'Elysée, corroborant du même coup les propos accusateurs tenus par François Fillon contre l'exécutif. Selon lui, les procédures judiciaires engagées contre lui dans l'affaire Adidas, vieille de plus de 20 ans, nuiraient gravement au principe d'indépendance et d'impartialité de la justice.
Les procédures judiciaires accélérées par le pouvoir ?
Selon l'ancien ministre de la Ville, la présidence de François Hollande a tout fait pour ré-ouvrir l'enquête qui le visait dans le cadre de l'affaire Adidas : " Je savais déjà que, juste après l'élection de François Hollande, un agent de la DGSE avait été mandaté pour mettre la main sur les archives de l'Elysée dans le but de trouver des choses me visant...
Ils n'ont rien trouvé, évidemment. Mais si les trois auteurs [du livre Bienvenue Place Beauvau] ont des preuves d'une manipulation, cela m'intéresse. (...) Dans ces dossiers, lors des enquêtes, tous les services de police sont sous la surveillance du ministère de l'Intérieur et les magistrats du parquet sous l'autorité du garde des Sceaux."
Il affirme, en outre, que l'actuel candidat de la droite à l'élection présidentielle serait lui aussi victime de cette tentative d'éviction par le pouvoir. En effet, il accuse une instrumentalisation de la justice, et même Le Canard Enchaîné serait de mèche avec l'exécutif, qui lui aurait fourni toutes les informations nécessaires pour provoquer le scandale dans l'opinion publique.
Néanmoins, les accusations à l'encontre de François Fillon ne sont pas pour autant infondées, car le parquet national financier, dont les juges ne sont pas sensibles aux pressions de la part du pouvoir politique, a immédiatement décidé la mise en examen. Autrement dit, peut-être que le pouvoir est responsable de la fuite des informations sur les emplois fictifs de l'épouse du candidat de la droite dans la presse, mais il n'a joué aucun rôle dans l'accélération des procédures judiciaires, car le PNF reste pour sa part indépendant.
Tapie contacté par l'équipe de Fillon
Bernard Tapie a poursuivi son interview en exprimant sa compassion pour les époux Fillon, victimes d'un complot de la part de l'exécutif alors même que François Fillon avait été élu sur la base de l'honnêteté et de l'éthique en politique. " Il est dans la peau de ceux, mis en examen, qu'il a tant critiqués.
Lui comme sa femme doivent souffrir le martyre." Toutefois, son témoignage ne s'arrête pas là et il livre une anecdote intéressante : face aux affaires submergeant rapidement la campagne du député de Paris, l'équipe de campagne, ne sachant comment répondre, aurait contacté Bernard Tapie pour lui demander l'attitude à adopter. Ainsi, c'est de l'ancien ministre de la Ville lui-même que l'équipe de campagne de François Fillon tiendrait cet argument défensif du cabinet noir élyséen.
De plus, il aurait répondu à un proche du député de Paris qu'il fallait promettre solennellement de démissionner si, une fois élu président, sa femme était condamnée dans cette affaire : " Moi, je prendrais l'engagement solennel qu'une fois élu, et bénéficiant de l'immunité présidentielle, je démissionnerais si ma femme était condamnée." Pour le moment, ce n'est clairement pas encore fait par le candidat de la droite, qui s'était contenté de promettre un retrait de la présidentielle en cas de mise en examen sans, finalement, le faire.
De ce fait, que valent encore ses promesses ? C'est sans doute la raison pour laquelle l'équipe de campagne de François Fillon n'a pas proposé cette option pour rassurer l'opinion publique.
L'ancien ministre de la Ville en a profité pour rappeler que sa doctrine, sous la présidence de Mitterrand, était justement la démission des ministres mis en examen ; de quoi tenter de se construire une nouvelle image éthique, mais, pour lui, ce n'est pas gagné : " Tout le monde a oublié, mais la jurisprudence ' un ministre mis en examen démissionne ', c'était moi, sous Bérégovoy... et contre l'avis de Mitterrand !"