Consciente d’une « large utilisation » des pesticides, la mission parlementaire insiste sur « la nécessité de réduire drastiquement l’usage » de ces derniers. Mais elle affirme que « le processus prendra du temps » et prône en particulier une restriction du périmètre d’interdiction du glyphosate. Pour les parlementaires, seule son utilisation dessiccative, c’est-à-dire un usage sur les plantes pour déshydrater et faciliter leur récolte, devrait être interdite dans l’immédiat. Les associations ont dénoncé un « rétropédalage », Emmanuel Macron s’étant engagé à interdire complètement le glyphosate à l’horizon 2020.
Mais pour les auteurs du rapport, il s’agit d’une mesure nécessaire d’un point de vue scientifique. « L’établissement d’un lien de causalité entre la survenue d’une pathologie et l’exposition aux produits phytosanitaire est délicat », il est donc nécessaire de « disposer de données documentées et notamment d’études épidémiologiques », notent les parlementaires.
Polémiques vs. controverses
La science, en effet, est un processus plus long que le temps politique. La prise de décisions précipitées transforme souvent la nécessaire controverse scientifique en polémiques stériles. D’où les rétractations et les « rétropédalages ».Comme le souligne un article de Bassem Hassan et Alexandra Auffret, tous deux neuroscientifiques, loin d’être un obstacle au développement de la connaissance scientifique, la controverse en est une condition indispensable.
Elle vise à obtenir un consensus basé sur des données objectives et des preuves. Dans la polémique, en revanche, « le moteur du désaccord est l’idéologie ou les intérêts économiques et non les faits scientifiques ». Les débats autour du glyphosate en sont un parfait exemple. Classé « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le désherbant a été déclaré sans effets néfastes sur l’agriculture ou la santé humaine par toutes les autres agences internationales qui en ont analysé la toxicité, dont l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ou encore l’AHS, une étude prospective sur 25 ans dont les trouvailles ont écarté tout lien entre cancer et glyphosate.
Rappel à la raison scientifique
Le 13 mars dernier, une quarantaine de spécialistes ont appelé la communauté scientifique « à un sursaut civique pour sauver la recherche face au renoncement politique ». Selon les experts, « dans l’affaire du glyphosate, le classement marginalisé [du CIRC] a prévalu sur les avis d’une dizaine d’agences, y compris européennes, qui l’ont déclaré non-cancérigène.
Tout se passe comme si les décideurs publics ne pouvaient que s’aligner sur les marchands de peur ».
L’absence d’une alternative crédible au glyphosate nourrit également la polémique et empêche l’émergence d’une controverse scientifique. Les herbicides naturels à base d’acide pélargonique, souvent présentés comme la meilleure alternative disponible, ne sont pas sans risques pour la santé. Selon EELV, l’acide pélargonique est une « molécule corrosive qui provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves pouvant aller jusqu’à une perte de la vue ». Il présente en outre une « dangerosité vis à vis des écosystèmes aquatiques plus importante que celle du glyphosate ». Une véritable controverse devrait aussi tenir compte de la situation fragile du secteur agricole en France.
Le retrait de l’herbicide entraînerait une hausse du prix des denrées alimentaires et une baisse des rendements agricoles. Les conséquences seraient catastrophiques pour les paysans, fragilisés par une crise aiguë qui dure depuis plusieurs années.