Qu’en est-il donc de ses comptes, et aussi de ses impôts ? Enquête.
Le Parti communiste a finalement obtenu gain de cause. Ce mercredi 4 décembre, Bernard Arnault a publié les comptes de sa holding, Groupe Arnault, après avoir été assigné en justice par Fabien Roussel. Selon l’assignation en référé déposée par le secrétaire national du PCF, la société de M. Arnault n’avait pas publié ses comptes depuis neuf ans, et ce "en méconnaissance du code du commerce", qui contraint à un dépôt de comptes annuel.
Mais si la publication des comptes du Groupe Arnault passe relativement inaperçue dans les médias, c’est bien entendu que le pays a d’autres dossiers plus importants à traiter en ce moment : les grèves, la réforme des retraites, les déserts médicaux, le ras-le-bol fiscal etc.
Il s’agirait pourtant d’y voir plus clair : le groupe LVMH, contrôlé par M. Arnault, a finalement publié ses comptes. Quid de ses revenus, de ses bénéfices et de ses impôts payés en France ?
L’Obs donne un éclairage intéressant sur l’imposition des groupes du CAC 40. Alors que l’hebdomadaire souhaitait "comprendre à quelle hauteur [les sociétés de l’indice CAC 40] participent à la solidarité nationale", de nombreuses entreprises "se sont arc-boutées sur un pseudo argument juridique" ou ont tout simplement "adressé une fin de non-recevoir" au magazine.
Le groupe LVMH aurait été parmi "les plus prompts à donner le détail" de son impôt sur les sociétés. D’après une enquête de l’Obs, il est celui qui "fait le plus gros chèque au fisc au titre de l’impôt sur les sociétés : 1,4 milliard d’euros en 2017".
Avec 2,4 milliards d’euros de prélèvements obligatoires payés la même année, il est par ailleurs le sixième plus gros contributeur à la solidarité nationale.
LVMH : Plus d’un milliard au titre de l’impôt sur les sociétés
Si l’impôt sur les sociétés a rapporté 35,5 milliards d’euros en 2017, seules trois sociétés du CAC 40 ont payé 1 milliard d’euros ou plus : LVMH, Crédit agricole et Vinci.
Une bonne nouvelle d’autant plus importante que l’impôt payé par les autres sociétés décroît à une vitesse surprenante, comme le décrit l’Obs. Il s’élève en effet à 393 millions d’euros pour Engie, 200 millions pour Hermès, 188 millions pour Bouygues et 160 millions pour Total.
Champion mondial du luxe, le groupe LVMH ferait donc partie des champions de la solidarité nationale… ?
Alors, pourquoi avoir omis de publier les comptes du groupe Arnault ? Pour les experts, l’explication est simple. C’est afin de se protéger contre l’espionnage industriel que les entreprises "évitent d’ordinaire de laisser leurs informations financières circuler un peu partout", explique Eric Verhaeghe, fondateur de Tripalio, une startup sur la vie syndicale, pour le Figaro.
Une lecture attentive des comptes publiés par les entreprises permet par exemple de deviner certains choix stratégiques faits par ces dernières en matière d’investissements ou de provisions. Elle peut dévoiler des informations telles que le succès d’une campagne publicitaire ou encore la valeur exacte de l’entreprise. Bref, des informations dont la concurrence n’hésiterait pas à tirer profit.
Une certaine discrétion peut ainsi se révéler stratégique afin de défendre les intérêts de l’entreprise et de ses salariés. Pour Eric Verhaeghe en effet, "la publication des comptes participe d’un affaiblissement des entreprises françaises face à la concurrence internationale". Jusqu’où faut-il donc être transparent ?
S’il est vrai que l’information est vitale dans le monde des affaires, le secret n’y est pas toujours la norme. C’est en réalité une question de dosage et d’astuce, comme le suggère un article du Financial Times.
Chiffre d’affaires en hausse : imposition en hausse ?
En octobre dernier, lors de l’ouverture d’une usine de cuir Louis Vuitton au Texas, Bernard Arnault n’a donné qu’un "indice" à Donald Trump.
Le Français a annoncé au président américain qu’il s’apprêtait à acheter "quelque chose d’important aux Etats-Unis", sans donner plus de précisions, rapporte le quotidien britannique.
Le suspense est désormais levé. Le 25 novembre, LVMH a acquis le bijoutier Tiffany, icône américaine du luxe. Le groupe français, qui avait dans un premier temps proposé d’acheter la société américaine pour 14,9 milliards de dollars, a finalement accepté de payer 16,2 milliards (environ 14,7 milliards d’euros).
Espérons que les impôts payés par LVMH suivent la même courbe ascendante. Des rentrées fiscales qui pourraient permettre d’assurer une partie des dépenses de l’Etat (structurellement déficitaire), pour les services publics, à l’heure d’une sérieuse dégradation des moyens alloués à la police, aux écoles, et aux hôpitaux.