Le premier ministre Edouard Philippe a annoncé depuis Matignon le 4 avril dernier les principaux axes de la réforme des institutions initiée par le gouvernement. Celle-ci passera par une révision de la Constitution, pour notamment modifier en profondeur le fonctionnement du Parlement en France. Impossible cette fois d'utiliser le mécanisme des ordonnances, le gouvernement va devoir convaincre le plus grand nombre de parlementaires possibles pour mettre son plan à exécution.

Promesse de campagne du candidat Macron, la réforme du fonctionnement de l'Assemblée Nationale s'inscrit dans une volonté globale de transformation des services publics au sens large. S'il ne peut évidemment pas privatiser le Parlement, il peut en revanche en diminuer le poids dans le débat public.

Vers une Assemblée Nationale secondaire dans le jeu institutionnel ?

Tout le monde s'accorde aujourd'hui à dire que le Parlement n'est plus que la chambre d'enregistrement du gouvernement. En alignant les élections présidentielles et législatives en 2002 pour mettre fin au phénomène de cohabitation, le Président fraîchement élu dispose systématiquement d'une majorité au sein de la chambre des députés, et peut ainsi faire voter tous ses projets à l'Assemblée Nationale. Le Sénat quant à lui ne dispose que d'un poids politique restreint, le vote de l'Assemblée primant sur le sien en cas de mésentente.

Le gouvernement fait aujourd'hui le pari de la rationalisation du processus législatif. Quitte à ce que le Parlement ne soit plus un réel contre pouvoir comme il l'était pensé originellement, autant en faire un lieu de réflexion.

En proposant une réduction de 30% du nombre de députés et des sénateurs, il espère construire un pouvoir législatif pertinent, qui acceptera la domination institutionnelle du pouvoir exécutif, issue d'une lecture de la Constitution constante depuis plus de 50 ans. Il faudra néanmoins prendre garde à ne pas basculer dans un régime autoritaire, où l'exécutif seul dirige le pays.

C'est notamment pour cela que la proposition de limitation des amendements a été retiré du projet de loi, pour que le Parlement conserve tout de même quelques contre-pouvoirs.

A la recherche d'un consensus pour voter la révision

L'article 89 de la Constitution dispose la procédure à suivre pour en réviser son corps. La révision doit être l'initiative du Président de la République, du Premier Ministre ou d'un parlementaire (député ou sénateur).

Elle doit ensuite être impérativement votée par l'Assemblée Nationale et le Sénat dans des termes similaires. Pour les lois ordinaires, l'Assemblée Nationale a le dernier mot, ce n'est pas le cas dans le domaine constitutionnel. Une fois ces votes effectués, les deux chambres se réunissent à Versailles, devant ce qu'on appelle le Congrès. Cette assemblée extraordinaire doit une dernière fois voter la révision à la majorité des 3/5ème, ce qui nécessite donc un consensus nécessairement transpartisan.

Le Congrès est composé de 925 parlementaires. Pour faire voter une révision constitutionnelle, il faut donc un vote concordant d'au moins 555 de ses membres. Le groupe La République en Marche au Congrès, qu'on devine favorable à la réforme, compte aujourd'hui 310 députés mais seulement 21 sénateurs.

En effet, le Palais du Luxembourg ne se renouvelle que par tiers tous les trois ans, et par suffrage indirect : ce sont des personnalités politiques qui élisent les sénateurs, à la manière des Grands Électeurs aux Etats-Unis (élus des conseils municipaux, départementaux et régionaux, députés et sénateurs). La dernière élection partielle a eu lieu en septembre 2017, et n'a pas été un franc-succès pour le groupe LREM qui n'a gagné que 11 sièges. Il manque donc aujourd'hui au gouvernement 224 membres du Congrès pour faire voter sa réforme. 224 membres à aller démarcher parmi des groupes politiques au moins divisés, voire hostiles à la politique d'Emmanuel Macron et Edouard Philippe. 224 membres qui devront voter contre la suppression de leur propre emploi.