L’éclaircissement apporté par les avocats des principaux suspects dans l’affaire de la mort du chauffeur de bus de Bayonne au mois de juillet, pourrait laisser entrevoir une nouvelle interprétation du déroulement des faits.

Un bref rappel des faits

Philippe Monguillot, marié et père de trois enfants, trouve la mort à Bayonne le 10 juillet 2020 dans l’exercice des fonctions. Ce chauffeur de bus de 59 ans, et étant proche de la retraite, s’était fait violemment agressé par plusieurs personnes, qualifiées de "bande", dans son bus en pleine journée dans les rues de Bayonne.

Selon les premiers éléments de l’enquête, l’altercation aurait eu pour origine la demande de Philippe Monguillot à cette "bande" de faire simplement valider leurs tickets de bus et de porter un masque à l’intérieur de celui-ci. Et face à cette demande, cette "bande" l’aurait roué de coup jusqu’à que Philippe Monguillot s’effondre sur le sol de son bus en état de mort cérébrale. Cette affaire ne s’est pas bornée à un simple « fait divers ». Elle s’est politisée en se propageant à l’ensemble de l’espace public, et toute la classe politique a conjointement et unanimement dénoncé cet acte d’une extrême violence. Ainsi, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a qualifié cet acte de "drame ignoble", promettant que "la République ne laissera pas se banaliser la violence gratuite ".

Est-ce de la violence gratuite ?

Cette interrogation paraît, aux premiers abords, provocante. En effet, à l’annonce des premiers éléments de l’enquête, certains médias se sont empressés d’inonder le débat public d’à priori sur cette "France de l’incivilité" et de transformer cette affaire dramatique en un signal alarmant d’une supposée fracture culturelle.

Or deux mois après les faits, Maître Thierry Sagardoytho, l’un des avocats des présumés agresseurs, a partagé aux médias certains éléments de l’enquête, et notamment le contenu des caméras de surveillance du bus. Ainsi, il affirme que les images des caméras de surveillance montreraient que c’est Philippe Monguillot, qui le premier, assène les premiers coups.

Selon lui, "ce que nous constatons est exactement la même chose qui a été racontée par les policiers. Ces jeunes hommes étaient assis à l'arrière, ils ne portaient certes pas le masque, comme d'autres passagers de ce même bus. Autrement dit, il ne semble pas que cette histoire de masque soit le point de départ ou en tout cas l'explication à une quelconque altercation". En effet, l'avocat rajoute, sur les ondes de France Info, que suite à un échange verbal tendu "le chauffeur a asséné un violent coup sur le visage de celui que je défends. Selon un des témoins, à la suite de ce coup, il est quasiment tombé contre la paroi. Et c'est à la suite de ce coup porté au visage que les choses vont déraper".

Comme le rappelle l’avocat, ces images n’enlève rien à la violence et à la responsabilité des prévenus face à la mort de ce chauffeur de bus, mais elles nous permettent de relativiser quant aux termes employés pour qualifier cet acte, qui dès le départ se trouvent biaisé par sa politisation et sa médiatisation. Rien ne justifie une violence quelconque, mais qualifier cette violence de "gratuite" permettait de mettre un voile sur ce qui s’était passé réellement et de distribuer les rôles. Et involontairement d’orienter le travail de la justice dans la qualification de cet acte. En effet, face à ce nouveau rebondissement, le scénario changerait, ainsi que les qualifications. Par conséquent, les avocats souhaitent requalifier les faits en "coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner".

La réaction des avocats de la famille de la victime ne s’est pas fait attendre. D’abord, il rappelle qu’ils n’ont pas eu accès au contenu des images des caméras et ils constatent que même face à ce rebondissement, la victime ne doit pas perdre sa place. Affaire à suivre.